Le parcours de l'innovation

D’après E.M. Rogers, une innovation se diffuse dans la société en suivant un processus qui touche différentes catégorie de personnes, des plus enthousiastes jusqu’aux plus réticentes.

Ce processus s'apparente à une courbe en cloche auquel on peut associer les différents profils de personnes.


Cycle de diffusion de l'innovation d'après Everett Rogers (1962)

La diffusion d'une innovation, d'un changement

Le sociologue américain Everett Rogers a étudié le processus de « diffusion des innovations » qui montre comment les « nouveautés », dont les nouveaux comportements font partie, se diffusent au sein des sociétés et groupes sociaux. Selon lui, la diffusion se fait par appropriation successive par des groupes sociaux de plus en plus larges. Il identifie ainsi plusieurs catégories de personnes au sein d’un public concerné par une même « innovation ».

Les profils

  • Les « innovateurs » sont la petite minorité des pionniers (2,5% de la population concernée) qui expérimentent et s’aventurent en premier. Ce sont des individus qui aiment, dans un domaine donné, expérimenter et créer de nouvelles façons de voir le monde et d’autres modes de vie, apportent de nouvelles idées dans des domaines variés. En général, ils manifestent peu d’intérêt mercantile par rapport à la « nouveauté », et ont le sentiment d’appartenir à une communauté et de partager des valeurs. Par leur action, ils vont influencer fortement l’imaginaire futur lié à l’innovation.
  • Les « premiers adoptants » (13,5%) sont ceux qui, ayant une bonne intuition des potentialités de l’innovation et des bénéfices en tout genre qu’ils pourront en tirer, prennent avant les autres le risque de l’adopter. Ils définissent « l’agenda » du développement de l’innovation et créent un effet de démonstration essentiel pour amorcer la diffusion à plus grande échelle. Ce sont également eux qui donnent forme aux clivages entre ceux qui sont « déjà inclus » et « pas encore inclus ».
  • La « majorité précoce » (34 %), voisine des « premiers adoptants » est le public le plus facile à conquérir par les « premiers adoptants », même si un temps de réflexion et d’évaluation, voir d’adaptation leur est nécessaire. Lorsqu’il est conquis, c’est ce public qui va déclencher « l’effet boule de neige » vers le reste de la population concernée et donc le basculement vers la normalisation sociale de la nouveauté.

Ces trois premiers groupes sociaux sont composés de personnes ayant les ressources matérielles, cognitives ou sociales suffisantes pour prendre la décision de suivre volontairement l’innovation. Par ailleurs, chaque groupe est socio-culturellement proche du précédent et du suivant, ce qui permet la contamination successive. Lorsque le taux d’adoption atteint 50% du public concerné par la nouveauté, l’adoption devient plus lente et difficile et rencontre plus de résistances, les personnes ayant moins de ressources matérielles, cognitives ou sociales pour appréhender le changement

  • La « majorité tardive » (34%) adopte l’innovation plus par nécessité économique ou par pression de l’extérieur (pression sociale ou professionnelle) que volontairement. Ces personnes ont besoin que la nouveauté soit particulièrement accessible et sont plus sensibles à la fiabilité et à l’efficacité qu’à la nouveauté.
  • Enfin, les « lambins » (16%) couvrent deux types de publics : les « retardataires », plutôt traditionalistes qui ne perçoivent pas l’intérêt de la nouveauté et qui ont en plus ou de ce fait du mal à modifier leurs habitudes, et les « réfractaires » qui refusent d’accepter le changement, par peur, incompréhension, résistance de « classe » ou autre, et qui ne l’adopteront que contraints et forcés.

Plusieurs facteurs conditionnent la rapidité d’adoption et de diffusion de l’innovation dans la société. Ces facteurs peuvent être de deux natures différentes :
  • les facteurs endogènes à l’innovation (qui résultent des caractéristiques intrinsèques à l'innovation),
  • les facteurs exogènes à l’innovation (qui résultent de l’environnement dans lequel est introduit l'innovation).
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Les facteurs endogènes qui facilitent l’adoption

Everett Rogers a identifié cinq qualités qui déterminent le succès de la diffusion d’une innovation :
  • L’avantage relatif correspond à la perception par les consommateurs que l’innovation est meilleure ou plus performante que les solutions existantes. (c'est subjectif)
  • La compatibilité de l’innovation avec les valeurs et pratiques existantes
  • La simplicité et facilité d’utilisation de l’innovation que perçoivent les consommateurs potentiels peut également représenter un frein ou un catalyseur à sa diffusion. En effet, une innovation qui nécessite un apprentissage sera plus lente à se diffuser que si elle ne requiert pas le développement de compétences spécifiques.
  • La possibilité d’essayer l’innovation peut faciliter son appropriation par les usagers et ainsi favoriser le bouche à oreille et diminue l’incertitude et donc le risque qui l’entoure.
  • L’observabilité des résultats est également un facteur déterminant dans la diffusion des innovations puisqu’il permet de prouver plus facilement le ou les avantages de l’innovation.

Les facteurs exogènes qui créent un contexte favorable

Les facteurs dit « exogènes », ne sont pas liés à l’innovation elle-même mais à l’environnement dans lequel elle s’insert.
Ainsi (en résumé) :
  • le nombre d'utilisateurs l'utilisant, plus il est grand, plus l'adhésion est facile (et apporte de la valeur à celui qui l'adopte)
  • ce que l'innovation ouvre comme perspectives "indirectes" (usages dérivés...)

Identifier les points de bascule

La modification d'un comportement résulte plus souvent d'un processus de bascule que d'un changement progressif.
On peut chercher à identifier ces points de bascule et les favoriser.

Infos : Les grandes modifications dans nos sociétés peuvent être vue comme des épidémies "sociales" ont 3 caractéristiques et sont régies par 3 vecteurs de changement
  • les oiseaux rares
    • dans les épidémies sociales, un très faible % de gens fait bouger tous les autres. Ce changement résulte de l'action d'un poignée de gens qui se distinguent nettement de la masse. On en distingue 3 sortes : les connecteurs, les maven et les vendeurs.
      • On peut résumé de la sorte : Le maven déniche l'info, le connecteur la diffuse dans ses réseaux, le vendeur l'amplifie encore auprès des hésitants
  • l'adhérence : dans une épidémie, la forme du message compte autant que le le contenu du messsage
  • le contexte : dans une épidémie, le contexte qui suporte le message est très important
Pour plus de détails => https://dynalist.io/d/RPrAOweZt8mKnoqaSSlFWe_t#z=pATixamdN9hTOZ5QBqB0QLqd

Pistes d'actions

  • Etre KISS (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple)
    • Simplifier la communication, les démarches, les outils : faire sauter les mots de passe ;-)
  • Evoquer (sans chercher à convaincre) les avantages de l'innovation proposée par rapport à la situation existante
  • Montrer ce que l'innovation "ne bouscule pas tout" (garder un peu de stabilité, ça aide)
  • Permettre la possibilité d’essayer l’innovation "sans obligation d'adoption"
  • Faire des retours d'usages pour rendre visible les résultats que ça a permis (faire monter en conscience)
  • Identifier les endroits où "il suffirait de pousser un peu"
  • chercher à créer des points de bascule (faute d'orthographe dans les noms d'un pad...)

Sources