Les grandes phases d'un collectif

Un collectif c'est comme un être humain, ça naît, grandit, apprend, passe par des phases de crises, par des phases plus stables, atteint la maturité et si l'on y prend garde peut même basculer dans la sénilité ;-)

Apprendre à repérer ces étapes pour y faire face est salutaire pour l'animateur, comme pour le collectif !

Les accepter pour les vivre plus sereinement est une piste à étudier ;-)

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Le collectif "enfant"

Le groupe est porté (soutenu) par l'élan de l'animateur et du petit groupe d'actifs qui gravite autour de lui.elle. Il se repose fortement sur lui.
Tout comme chez l'être humain, cette phase est nécessaire pour permettre "à l'enfant" de se sentir à l'aise, d'acquérir quelques connaissances, de grandir...
Les débuts sont souvent enthousiasmants et productifs mais au bout de quelques temps, le souffle vient à manquer...
et surgit la question : "dis, il serait peut-être temps que tu t'occupes un peu tout seul toi non ?"
En général, cette période peut s'étendre de quelques mois à (le plus souvent) 18 mois dans les collectifs.

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Les risques de cette période

  • Au départ d'un collectif, il y a souvent un dictateur bienveillant qui insuffle le mouvement, la dynamique et entraîne avec lui des intéressés. Les avancées majeures durant cette période sont souvent et majoritairement le résultat de son travail. Cela permet des avancées rapides mais cette dépendance est aussi source de vulnérabilité. Que l'animateuir s'enrhume et c'est tout le projet qui ralentit...
  • Cet élan vigoureux de l'animateur finit aussi par faiblir (même chez les plus forts ! ) et celui-ci finit par douter de l'envie des autres de "passer à l'action". Un sentiment de solitude se fait sentir chez l'animateur. Celui-ci peut :
    • un sérieux coup de frein au projet et le mettre en standby le temps que l'animateur fatigué se lasse et laisse de la place à d'autres pour s'impliquer dans le projet quitte à le modifier un peu
    • entraîner la mort du collectif. Si l'animateur ne parvient pas lâcher prise pour permettre à d'autres de s'impliquer en douceur (on parle alors de la posture du créateur fossoyeur : faute d'avoir pu quitter son rôle de dictateur bienveillant, il enterre, avec lui, sa belle idée ;-(
  • Certains collectifs, bercés, par leur animateur sur-actif, se complaisent dans la situation et deviennent des collectifs "Tanguy" (spectateurs du projet).

Le collectif "ados"


Au bout de 18 mois à deux ans (parfois plus pour des groupes "Tanguy" qui restent très longtemps dans le giron de l'animateur-ice), le groupe devient adolescent. Certains cherchent alors à prendre des initiatives et cela se fait au début contre l'animateur-ice. Ils adoptent alors un rôle de "leader négatif".

Cette période parfois dure à vivre comme pour les humains, est fondamentale car elle ouvre la porte à l'appropriation du groupe par ses membres.

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Les risques de cette période

  • L'animateur résiste à toutes les tentatives, combat les leaders négatifs qui émergent, ne lâche rien et on repasse par la case "créateur fossoyeur" ;-)
  • L'animateur s'efface complètement et en l'absence de "père", le groupe éclate de part les tensions que le ou les leaders négatifs insufflent dans le collectif
  • L'animateur ne gère pas cette période délicate et laisse faire en "espérant" un réglement par le temps ou par un miracle

Le collectif "adulte"


Après la crise d'adolescence, le groupe devient adulte. Suffisamment de membres se sont appropriés le projet et sont même prêts à le défendre.
L'animateur se sent parfois inutile car "ça roule tout seul ou presque ,-)"
Les rôles sont plus fluides et l'animation peut plus facilement être partagée.

C'est une période agréable pour le collectif, entre efficacité et sérénité !

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Les risques de cette période

  • Il ne sert à rien de griller les étapes, pour un groupe comme pour un humain, il faut passer par les différentes étapes. Vouloir constituer un groupe adulte de toute pièce dès le départ pourrait s'appeler le "syndrome de Frankenstein"...
  • se dire qu'il n'y a plus besoin d 'animation puisque ça roule => mauvaise idée ;-)
  • s'encrouter dans les actions, tourner en rond, ressasser... pour se "sentir en vie", un collectif a besoin de projets à triturer
  • ne pas veiller à rester ouvert aux nouvelles idées et nouveaux membres (hors les anciens disparaissent eux...). Faire de l'entre-soi "confortable" mais pas très enrichissant pour ceux qui y sont et pour "les autres" => peut-être faut-il transformer le collectif en club ;-)

Le collectif "moribond"

Parfois le groupe devient sénile. c'est une étape "normale" dans la vie, juste avant de "laisser la place".

Si on y travaille un peu , on peut consacrer cette dernière étape à la production de communs, de "graines" pour permettre des "renaissances ailleurs et autrement" mais sans perte du travail effectué.

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Les risques

  • ne pas vouloir mourir ;-) et rester sénile
    • => on peut ne pas vouloir mourir mais il doit y avoir une raison valable et donc mettre en place les moyens de repasser à l'étape adulte
    • si on reste sénile, on finit par desservir son ambition initiale (l'année de trop...)
    • si on est sénile et en plus chiant, on risque en plus d'empêcher (temporairement) l'émergence ailleurs d'autres collectifs aux sujets proches
  • mourir mais sans laisser de traces : oublier la compostabilité du projet

Les quatre tensions qui traversent la vie d'un collectif

Il existe 4 grandes tensions (entre deux affirmations) qui pèsent dans les choix collectifs. En tant qu'animateur, en être conscient sera nécessaire pour permettre au groupe d’avancer, et de les dépasser chacune en ne donnant l’exclusivité à aucune des deux affirmations mais plutôt en cherchant à trouver collectivement un équilibre entre elles.

1er équilibre : priorité à l’humain ou priorité à la cause.

Le militantisme dans notre culture est caractérisé par un sens du sacrifice que l’on retrouve dans de nombreuses traditions (judéo-chrétienne, marxiste…). Si la défense d’une cause est tout à fait louable, elle a parfois conduit à oublier d’autres aspects plus tournés vers l’humain : la bienveillance y compris par rapport aux contradicteurs, l’acceptation d’une part d’imperfection, etc. Cette difficulté a conduit de nombreux groupes pourtant portés par de belles intentions, au dogmatisme, l’intolérance et parfois même jusqu’à la destruction du collectif.
=> Quel équilibre allons nous construire ensemble entre “notre part du colibri” au service d’une cause et la prise en compte bienveillante des imperfections humaines ?

2ème équilibre : ce qu’on dit ou ce qu’on fait.

Normalement tout le monde devrait être “cohérent” : “faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait”. C’est effectivement une direction à suivre au mieux, mais cette affirmation ne prend pas en compte un point crucial : nous ne sommes pas parfait ! La difficulté est amplifiée par une autre limitation de l’être humain : chacun voit mieux les incohérences de l’autre que les siennes. Au contraire même, il va chercher à se justifier en allant jusqu’au ridicule s’il le faut pour démontrer que tout sa démarche est cohérente. Ce problème est bien connu en psychologie sous le nom de “biais de confirmation”. Nous devons tendre vers le maximum de cohérence possible en toute bonne volonté. Mais nous devons également reconnaître que nous-mêmes, tout comme nos interlocuteurs sommes des humains et et donc avec une cohérence imparfaite !
=> Quel équilibre allons nous trouver entre la recherche de cohérence entre ce que l’on dit et ce que l’on fait et l’acceptation que ni nous ni les autres n’y arrivons parfaitement ?

3ème équilibre : identité et évolution.

L’ensemble de l’Univers est à la recherche d’un équilibre entre évoluer pour s’adapter et conserver son équilibre. C’est vrai aussi bien pour les étoiles, les êtres vivants… ou les groupes. La cellule, qui est généralement considérée comme le plus simple des être vivants, dispose d’une membrane perméable. Le fondement même de la cellule est même de “séparer les eaux” : la mise en place d’une membrane distingue l’extérieur et l’intérieur. Cela permet de maintenir au sein de la cellule plusieurs paramètres autour d’un équilibre bénéfique pour l’ensemble du système. Ce phénomène s’appelle l’homéostasie. Mais la membrane doit être perméable car sans entrées et sorties la cellule ne peut s’adapter et ainsi survivre.
=> Quel équilibre allons nous construire ensemble entre préservation d’une part suffisante d’identité et ouverture à l’évolution et à l’adaptation ?

4ème équilibre : objectifs ou limites.

Il y a deux approches pour réguler le fonctionnement d’un groupe. La première consiste à fixer des règles à respecter (charte, “règlement intérieur”, etc.) et la deuxième à fixer une direction vers ce que l’on souhaite. On retrouve cette différence par exemple dans les approches sur éthiques. (comme cela est présenté dans l’encadré qui suit). Mais à y regarder de plus près, chacune des deux approches a ses limites : tout baser sur des règles risque de brider l’évolution qui consiste justement souvent à “dépasser certaines règles”. De l’autre coté, donner simplement des objectifs est bien illustré par la maxime “la fin justifie les moyens”. Mais cela est-il vrai à n’importe quel prix ? Un groupe devrait se fixer uniquement quelques règles comme des limites infranchissables à ne pas dépasser et quelques pistes d’objectifs comme une direction souhaitable afin de laisser entre les deux le maximum d’espace libre pour permettre au groupe d’évoluer pour s’adapter à l’imprévisible.
=> Quel équilibre allons nous construire ensemble entre les orientations désirables, les limites à ne pas dépasser et l’espace libre pour permettre au groupe de s’inventer ?