Le vivant porte en lui sa propre compostabilité

Instructions : écouter (et-ou lire) les principes du vivant + lire la partie "les projets compostables" et voir comment ça résonne



Il y a des invariants dont il est sans doute bon de s'inspirer.

La compostabilité semble être un de ceux-ci lorsqu'on parle du vivant. Il n'est pas évident de trouver un être vivant sur cette planète qui ne porte pas en lui les conditions même de sa compostabilité-transformation lorsqu'il meurt. Chaque brique redevient matériau pour d'autres. Même l'information se composte !

Et dans nos projets ?

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Passons le détail des briques même de la matière qui semblent elles-aussi se composter depuis l'apparition de notre univers il y a plus de 13,7 milliards d'années. D'une vaste soupe primitive d'hydrogène, les atomes se combinent et recombinent au sein des étoiles (lors de leur naissance et leur mort explosive) pour fournir et refournir encore les atomes et molécules constitutives de "tout" !

Allons directement, il y a 3,8 milliards d'années, lorsque les premiers organismes unicellulaires apparaissent dans l'océan primitif. Ils portent en eux des acides aminés capables de stocker et répliquer de l'information. C'est le début de la grande aventure de la vie ;-)

Depuis ces temps reculés, la vie n'aura de cesse de se développer, de se réorganiser, de se diversifier en s'appuyant sur quelques principes fondamentaux :
  • ce qui meurt se composte (rapidement) pour redevenir le support à la vie qui "suit"
  • l'information à transmettre est stockée sur un support "simple" et commun à tous
Jusqu'aujourd'hui ce mécanisme est encore à l'oeuvre et a fait preuve d'une efficacité et résilience hors du commun (5 catastrophes d'ampleur auraient pu mettre fin à la vie sur terre mais elle est toujours là !). L'arrivée d'un hominidé il y a quelques millions d'années n'y a rien changé...

Sauf il y a 300 bonnes années...
Alors que jusque là quasiment tout ce que produisait l'homme s'inscrivait dans ce grand cycle de compostage, voilà que l'inventivité de celui-ci, aidé des grandes découvertes en physique et chimie, l'ont fait explorer de nouvelles voies. De nouvelles molécules jusqu'alors inexistantes sont apparues, certaines compostables dans le cycle du vivant, de nombreux autres (de plus en plus nombreuses) non recyclables par le vivant (dans des temps "normaux").
Les grands mécanismes, support de la vie depuis plus de 3.800.000.000 d'années, s'en sont trouvés perturbés...
A tel point que certaines substances non compostables (à l'échelle du vivant) remettent en cause la vie !

Après avoir perturbé le principe du "compostage du matériel", voilà que l'homme s'est attaqué au principe de "l'information qui se diffuse".
Jusqu'alors, aucunes limites n'étaient venues entraver la duplication (et le partage-recombinaison) de l'information contenue dans les ADN-ARN des êtres vivants.
Ce partage "libre" et simple des informations (et donc idées, tests, mécanismes issus de l'évolution) avait permis à la vie de faire face "au défi du temps" mais aussi à 5 extinctions majeures (certaines ayant entrainé la disparition de 99 % de la vie !!!).
Mais voilà que l'homme, ingénieux, invente la propriété privée et l'applique aux idées !
Certaines idées, principes, mécanismes se voient "limités" dans leurs usages et diffusions. (raccourci rapide car on ne peut protéger une idée... mais on parvient souvent à contourner ce problème ;-)
La compostabilité vient d'être mise à mal aussi dans l'immatériel.
Et voilà que les idées, support à la vie, support au mieux être, support aux améliorations, pistes de solutions.... se voient appartenir à quelqu'uns... parfois au détriment de la vie !!

Pour chaque projet auquel nous contribuons le constat est le même : un concours de circonstances a provoqué le début d'un processus qui tend invariablement à s'éteindre.
Parviendrons-nous à respecter le principe de la compostabilité de la matière et des idées ?


La compostabilité des projets

Bien souvent, on ne réfléchit pas à la compostabilité des projets lors de leur conception (quels éléments méritent d'être réutilisés, sous quelle forme, où les mettre à disposition,...). Même lorsque l'on décide de rendre disponible ces ressources auprès des autres, cela ne suffit généralement pas à leur assurer une seconde vie. Il faut dès lors réfléchir à la meilleure méthode pour permettre à la matière produite (les contenus, les données, l'expérience due à nos échecs et réussites,...) d'être réutilisée indépendamment de tout contexte d'usage. .

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Partager sincèrement pour pouvoir re-composer

Si l'on souhaite continuer à vivre sur une planète vivante il faut incontestablement respecter les règles fondamentales du vivant. Si l'on accepte de fabriquer petit à petit des organisations humaines non-compostables, nous acceptons de facto la création de matière inerte, non utilisable voire polluante à l'échelle de l'existence humaine.

Utiliser notre énergie vitale pour produire des éléments qui ne vivent pas au-delà de nous-même, ce serait alors se couper du vivant

Le vivant commence là où la mort se prépare

Une fois assimilée, la compostabilité des projets permet d'envisager très en amont nos actions et de développer des automatismes fertiles. C'est une manière de se dire « ce que je crée va mourir, je vais mourir, alors comment faire pour que cette énergie que je pose là puisse être utilisée par tout le monde ? ». Se poser cette question, c'est préparer la mort des projets. Pas dans le sens d'un délire paranoïaque et morbide, mais en prenant conscience que notre seule contribution au monde, c'est ce que nous auront réussi à sincèrement partager.

En écho, le risque d'une mort non-préparée, c'est de s'obliger à continuer à agir, à vivre des expériences, à rassembler des choses, à agréger, sans jamais prendre le temps de penser la transmission de cet héritage. On crée alors une chimère, un projet que l'on va sans cesse persister à nourrir sans jamais en remettre en question le sens et sans accepter qu'il ne s'arrête. Il est donc indispensable de ritualiser le traitement de ce que l'on souhaite transmettre au jour le jour pour s'autoriser à mettre fin à un projet au moment opportun. Capitaliser ses ressources permet d'accepter la fin d'un projet pour redémarrer ailleurs ou différemment sur des bases déjà acquises. C'est aussi permettre en temps réel à ce qui est expérimenté quelque part et jugé efficace d'être répliqué ailleurs.

De la compostabilité, il faut donc retenir trois choses :
  • 1. elle se pense et se prépare très en amont,
  • 2. elle permet de mettre fin aux projets lorsque nécessaire tout en leur assurant un nouveau départ,
  • 3. elle nécessite le partage sincère de l'ensemble des ressources produites.
Rendre son projet compostable, c'est fertiliser les idées en les partageant et tendre vers des organisations plus vivantes, vivaces et vivables.

Crédits - Licence
Contenu placé sous licence CC by SA, modifié par Gatien Bataille
Contenus agrégés par Romain Lalande sur la base d'un récit-concept de Laurent Marseault, agrémenté d'échanges fertiles au sein du réseau francophone des Communs, de VECAM, d'Animacoop et de Remix the Commons.