Evaluer "chemin faisant"


L'évaluation peut se faire aussi par temps calme !
On l'oublie parfois mais se donner les moyens de se regarder pédaler tout en pédalant est sans doute le meilleur moyen pour devancer les tensions et les phases douloureuses.
Cela ancre aussi "une habitude" de questionnement collectif et individuel d'autant plus facile à invoquer quand le gros temps monte.
Nos collectifs sont plus que jamais des lieux d'expérimentations pour faire émerger de nouvelles façons de faire ensemble, ensuite, à plus grandes échelles !

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Evaluer en continu

En période de temps "calme" ?️, en tant qu'animateur, nous pouvons veiller à :

Mettre en place une culture de la réflexivité

  • d'abord en tant qu'animateur : apprendre à se regarder faire et prendre conscience de ce qui se joue (il faut au moins "un conscient" dans le groupe), accepter ses imperfections
  • ensuite le proposer à quelques personnes
  • puis essayer de le rendre palpable au sein du collectif
    • faire des retours d'usage sur les pratiques et méthodes utilisées (que s'est-il passé en mieux, en moins bien ?, qu'est ce que ça m'a fait ? nous a fait ? )
    • en faire un sujet de débat dans une des réunions
  • profiter des "temps doux" pour
    • mettre en place cette habitude
    • évoquer "gentiment" les étapes clés d'un collectif, par lesquelles immanquablement nous passerons ;-) (ce sera plus facile d'en rigoler plus tard...)

Mettre en place des procédures de rétrospection

  • étape qui semble facultative mais essentielle pour élever le niveau de conscience générale, pour qu'émerge une conscience collective
  • voir l'idée des retours d'usages évoquée juste au-dessus.

Travailler sur le cadre et les docs de référence

  • veiller à reconvoquer le cadre régulièrement (et donc à ce qu'il y en ait un ;-)
    • veiller à ce que celui-ci contienne un point relatif à sa reconvocation régulière et à la façon dont chacun peut l'appeler (évoquer l'idée du bilan annuel - voir ci-dessous)
  • veiller à mettre en place un document avec les valeurs partagées, l'ambition du départ
  • veiller à mettre en place un document d'accueil (+ procédure) pour les nouveaux arrivants

Quand la météo se gâte ⛈️, en tant qu'animateur, nous pouvons veiller à :

Travailler la transition entre les phases du collectif

Durant la phase enfant
  • accepter la posture de dictateur bienveillant MAIS s'outiller pour ne pas s'y enterrer (un complice, des indicateurs...) et devenir créateur fossoyeur
  • accepter de "porter" une grande partie dans cette phase de démarrage
  • mais se préserver aussi => ce qui laisse en creux et doucement de la place pour les autres
  • inviter à la participation
Durant la phase ado
  • prendre conscience de l'étape (ah oui voilà ça doit être la phase ado de mon collectif) et relativiser
  • garder un cadre mais accepter le leader négatif : cette "rébellion" est nécessaire pour que le groupe se forge une identité à côté de la vôtre
  • ne pas surenchérir mais ne pas disparaître non plus
  • continuer à assurer une animation minimale et inviter à co-animer, laisser un peu plus la main
  • et se permettre d'invoquer le cadre et textes de référence si on dérive totalement

Durant la phase adulte
il n'y aura sans doute pas de phase "orageuse" mais plutôt une douce torpeur qui nous "endort"
  • veiller à ce que l'animation et les tâches critiques soient gérées avec qualité
  • veiller à rester ouvert, discuter des critères qui nous feraient penser qu'on devient doucement sénile
  • travailler à l'arrivée de nouveaux membres, nouvelles idées
  • questionner la notion du partage de ce que l'on produit (a produit)
Durant la phase sénile
Ici aussi, sans doute pas d'orage mais plutôt des réflexions de l'extérieur
  • ne pas éluder la question de la mort
  • travailler à la compostabilité des productions
  • sommes-nous devenus des freins à notre ambition ? notre combat initial ?

Et faire le point de temps en temps (annuel)

Le bilan relationnel est une pratique qui permet d'apprécier régulièrement si le fonctionnement du collectif reste cohérent avec sa finalité, ses intentions de départ et ses valeurs.
Il peut-être réalisé suivant différentes modalités d'animation :

Un enseignement majeur ressort : l'importance d'inscrire le bilan relationnel dans les textes du collectif.
C'est parce que le bilan national est inscrit dans les textes fondamentaux du collectif que
  • chacun peut légitimement en rappeler l'importance
  • chacun peut demander, sans quémander, de prendre le temps de travailler sur ce bilan

Le bilan relationnel ne prémunit pas le groupe de tous les maux mais parce qu'il demande du temps, le bilan relationnel oblige à ralentir individuellement et collectivement notre rythme au moins une fois de temps en temps (un an par ex) => à sortir la tête du guidon

En se basant sur quelques expériences voici quelques considérations :
  • déterminer ensemble les critères d'évaluation qui permettront au groupe de dire que le comportement des acteurs est cohérent avec le projet
  • poser le principe du droit à l'erreur et à l'apprentissage
  • se donner dès le début la possibilité de revoir régulièrement les modalités de ce bilan
  • déterminer les rythmes
  • évitez à tout prix le registre de l'auto-évaluation punitive
  • laisser des traces

En conclusion, il est inévitable d'être en décalage entre ce que l'on dit et ce que l'on fait. Nous sommes devant l'horizon de notre idéal qui recule au fur à mesure que nous avançons.

Quelques considérations importantes

Sortir des difficultés

il est possible de faciliter considérablement le passage de ces moments clés à condition de comprendre ce qui arrive et de savoir le partager avec le reste du groupe.
Ivan Maltcheff qui accompagne des dynamiques collectives définit ainsi quatre étapes pour “dissiper le brouillard” afin d’avancer :
  1. savoir reconnaître et nommer la situation
  2. sortir rapidement du déni et partager avec le groupe
  3. faire émerger les non-dits, les ressentis, les frustrations, les craintes
  4. dessiner les sorties possibles

La gestion des conflits

Un désaccord est le plus souvent fécond sauf s'il n'est pas traité. Alors il devient conflit qui, s'il n'est pas traité, peut devenir violence !

Fondamentalement, la bonne méthode pour résoudre le conflit remplit 3 conditions :
  • elle convient au groupe => établir un cadre de confiance
  • elle permet l'expression réelle des désaccords
    • un conseil s'impose : passer le temps nécessaire à creuser les différences de points de vue avant de passer aux solutions : sur quoi porte le désaccord ?
    • et ainsi permettre aux désaccords de devenir potentiellement féconds
  • elle permet d'avancer

Travailler les bonnes questions, plutôt que les réponses

De l'importance des questions plutôt que des réponses

S’interroger, se poser des questions et poser des questions, est un comportement humain innée (penser au "mais pourquoi des jeunes enfants";-).
Mais s’attarder sur un mode interrogateur disparaît progressivement, parce que nous sommes conditionné.es, dès le plus jeune âge, dès notre scolarité, à ne produire, constamment, que des réponses, et à n’émettre que des solutions.

Souvent, face à une interrogation ou un problème, nous nous concentrons tellement sur les réponses et sur les solutions que nous perdons de vue l’essentiel, c’est à dire la question. Pour ne rien arranger, nous nous posons parfois les mauvaises questions et nous terminons, dès lors, avec des réponses inadaptées, non pertinentes.



Rechercher des questions plutôt que des réponses permet souvent d’analyser les problèmes plus en profondeur et de les résoudre de manière efficace.

"L’esprit non créatif peut discerner les mauvaises réponses, mais il faut un esprit créatif pour reconnaître les mauvaises questions", Sir Antony Jay

Toutes les grandes découvertes, toutes les grandes avancées, tous les grands accomplissements sont faits de questions, formulées et reformulées.

L'intérêt de collecter les questions plutôt que les réponses laisse aussi à chacun la liberté de choisir sa réponse, en fonction de son contexte.
Questionner la question" libère la pensée, casse des barrières mentales, et favorise l'innovation.

Voici en annexe quelques questions qui ouvrent le débat, la réflexion
  • Les questions relais ou de poursuite. Elles sont très importantes car elles facilitent la discussion. Repartant de la réponse qui précède, elles incitent à la développer et l'enrichir. Vous emploierez par exemple les formules : "Dans quelle mesure ?", "C'est-à-dire ?", " Dans quel cas ?", "Sur quels critères ?", "Par exemple ?", "Qu'entendez-vous par... ?"...
  • Les questions ouvertes. Elles appellent une réponse développée. "Qu'est-ce que ?", "Que ?", "Quel ?". Par exemple "Comment ?" est une question concrète qui oblige à décrire de manière structurée ou bien suscite l'imagination de l'interlocuteur. "Pourquoi ?" est souvent accusateur en français car posé avec une tournure négative. L'interlocuteur se met souvent sur la défensive. Il faut donc ne pas trop l'employer, ou bien tourner la question de manière positive. L'une des questions ouvertes les plus utilisées est "qu'en pensez-vous ?".
  • Les questions miroir. Ces questions reprennent tel quel, sur la forme interrogative, un mot ou un morceau de ce que l'autre a dit. Elles permettent de montrer à son interlocuteur que l'on suit sa pensée et qu'on est sur le même terrain. S'il ne faut pas en user systématiquement, son usage est efficace, particulièrement en situation conflictuelle.
  • Les questions de reformulation. Elles visent à s'assurer que l'on a bien compris ce qui a été dit et à aider l'autre à préciser sa pensée. En reprenant ce qu'il vient de dire, on l'amène à énoncer son idée avec d'autres mots.


Sources:
  • Le Journal du net , "Poser les bonnes questions et obtenir des réponses: Ouvrir et entretenir le dialogue" - 20 juillet 2009
  • Comment le mythe de la « bonne réponse » tue la créativité, MARCO BERTOLINI, 5 septembre 2016
  • "Pour un meilleur brainstorming", Hal Gregersen, Harvard Business Review, août-septembre 2018:

Ce ne sont que des rôles !

Ce qui se joue est le plus souvent au niveau des rôles plutôt que celui des personnes qui les portent. Ainsi par exemple, vous même êtes probablement proactif, réactif, observateur et inactif suivant les groupes dont vous faites partie. Une personne donnée peut avoir des prédispositions pour endosser tel ou tel rôle, mais peut suivant le cas (ce dont la situation a besoin), endosser pratiquement n’importe quel autre. Il est ainsi possible de voir des spécialistes de la coopération agir sans en avoir conscience comme des “leaders négatifs” dans des groupes qui vivaient leur “crise d’adolescence” et d’autres personnes plus habituées à détruire qu’à construire, prendre pourtant un rôle important dans la reconstruction d’un collectif.

Nous avons l’habitude d’associer la personne à son rôle. D’ailleurs lorsque nous rencontrons une personne pour la première fois, nous lui demandons souvent “ce qu’elle fait dans la vie” pour mieux lui coller un rôle, une étiquette. C’est effectivement dommage, mais le nier ne ferait qu’affaiblir notre capacité d’analyse. Nous allons donc devoir prendre conscience de notre premier jugement sur les personnes, puis dans un deuxième temps, chercher volontairement à identifier les rôles et en quoi ils sont révélateurs d’une situation particulière dans le groupe. Essayons si possible également de ne pas conserver notre jugement sur les personnes à partir du rôle qu’elles ont endossé. Cela est particulièrement difficile à faire tant notre inconscient est conditionné à juger le plus rapidement possible puis à rechercher uniquement les informations qui le confirment. “Notre mode de pensée et nos habitudes nous conduisent à vouloir donner des réponses souvent accompagnées de jugements, avant même de ressentir et d’entendre entre nous et à l’intérieur de nous ce qui se passe dans le groupe”.

Exemple : les rôles tournants dans le triangle de Karpman Un des cas les plus spectaculaire de dissociation des rôles et des personnes est celui où trois personnes se retrouvent dans une situation conflictuelle. Si l’une à le rôle de bourreau et une autre le rôle de victime, la troisième peut prendre le rôle de sauveur. Mais ces rôles sont symboliques et très rapidement se mettent à tourner : le sauveur devient bourreau, le bourreau victime, etc. On parle en analyse transactionnelle de “triangle dramatique” ou de “triangle de Karpman”. Texte sur le triangle de Karpman
Morale de l’histoire : ne mélangez pas les rôles et les personnes et ne croyez pas que vous n’endosserez jamais un rôle. Au contraire, cherchez à comprendre les rôles comme un indicateur de la situation plutôt que comme révélateur d’une personne.
Source : http://cornu.viabloga.com


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