Est ce bien raisonnable ?

L'idée initiale du droit d'auteur était de soutenir la création et de permettre aux auteurs d'en vivre (puisqu'ils ne cultivaient pas pendant ce temps là...) Etre rémunéré pour son travail semble une bonne chose. Etre rémunéré pour le travail de son père ou grand-père décédé est plus étonnant !
Exemple français mais c'est similaire pour la Belgique
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Au départ => La première véritable législation protectrice des intérêts des auteurs est le « Statute of Anne » du 10 avril 17107,8. L'auteur jouit à cette époque d'un monopole de 14 ans, renouvelable une fois sur la reproduction de ses créations.

Longueur disproportionnée de la défense des droits d’auteur
  • Selon la convention de Berne, la majorité des œuvres doivent être protégées durant toute la vie de l’auteur et au moins 50 ans après sa mort. Dans la majorité des pays, le délai de protection a été allongé jusqu’à 70-90 ans après la mort de l’auteur.
  • Le lien avec le délai de vie de l’auteur met dans des conditions inégales les auteurs vivant longtemps et les auteurs décédant très tôt.
  • Les œuvres précoces peuvent être protégées jusqu’à 150 ans (en fonction du délai de vie de l’auteur), alors que les tardives seulement environ 70 ans après la mort de l’auteur.
  • Le brevet d’invention est délivré seulement pour 20-25 ans quand le droit d’auteur est protégé pour toute la vie et environ 70 ans après la mort. Cela met les inventions et les ingénieurs dans des conditions inégales par rapport aux auteurs se trouvant sous la protection des droits d’auteur.
(source wikipedia)


Le souci du droit d'auteur lorsqu'on produit à plusieurs

Dans un collectif, les productions risquent bien d'être souvent "multi-auteurs". Ceci aura un impact sur le droit d'auteur qui s'appliquera sur l'oeuvre produite.

L'oeuvre peut-être collaborative

C'est une oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques animées par une inspiration commune.
Dans ce cas l' œuvre est la propriété commune des co-auteurs qui ont tous des droits sur l' œuvre de collaboration.
L'oeuvre constitue le "tout" mais on peut distinguer les apports de chacun dans celle-ci.
Chaque co-auteur peut exploiter séparément sa contribution sans l'accord des autres s'il ne porte pas préjudice à l'exploitation commune.
SOUCI : Pour chaque décision il faut le consentement de tous les auteurs (ou ayants droits)

L'oeuvre peut-être collective

L'œuvre est créée sur l'initiative d'une seule personne physique ou morale qui fait appel à d'autres auteurs. L'initiateur de l'œuvre (personne physique ou morale) organise le travail. Les auteurs travaillent sous sa direction, l'initiateur de l'œuvre (ou producteur) doit avoir un rôle de coordination et de direction.
Les contributions de différents auteurs se fondent dans l'ensemble, les contributions personnelles ne sont pas identifiables.
Les auteurs ne signeront pas de cession de droits d'auteur pour l'exploitation de l'œuvre collective. Le contributeur d'une œuvre collective ne peut revendiquer un statut d'auteur sur l'ensemble de l'ouvrage.
La personne physique ou morale détient les droits d'auteur sur l'œuvre collective réalisée. Il est admis que l'éditeur d'une œuvre collective a le droit d'en modifier la structure comme le contenu. Si l'œuvre est rééditée par l'éditeur, elle garde sa qualité d'œuvre collective.
SOUCI : Le devenir de l'oeuvre collective est dans les mains de l'initiateur qui du coup peut en décider "le partage ou non"

Quelque soit le statut, on se retrouve avec une difficulté pour le partage du travail effectué (soit l'accord de tous, soit l'accord d'un seul mais avec un pouvoir de blocage du coup).
Il est nécessaire de réfléchir en collectif aux outils juridiques qui peuvent nous aider à dépasser ces limites.

Oeuvre collective ou de collaboration ?

ATTENTION Ce texte n'est pas "force de loi" mais tente d'expliquer les grandes lignes qui régissent les productions collectives.

L’œuvre collective

C’est l’œuvre créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édit, l’a publie et la divulgue, sous sa direction et son nom, et dans laquelle les contributions personnelles des différents auteurs se fondent sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’entre eux un droit distinct sur l’ensemble. Cette personne fait appel aux talents de différents intervenants. Ces derniers réalisent des contributions qui se fondent dans un ensemble sans qu’il y ait entre eux de concertation.e.

Deux conditions cumulatives doivent donc être réunies :
  • la présence d’un coordonnateur
  • l’impossibilité d’attribuer des droits distincts sur l’ensemble

En d’autres termes lorsque l'oeuvre est réalisé par une équipe coordonnée par une personne physique ou morale qui a pris l’initiative de la création et qui édicte et diffuse le produit, il constitue une œuvre collective.
Les droits d’auteurs appartiennent à la personne physique ou morale.

Cela n’empêche pas que chaque contributeur puisse exploiter séparément sa contribution, dès lors qu’il ne concurrence pas l’exploitation de l’œuvre collective et que sa contribution peut faire l’objet d’une protection par un droit de propriété intellectuelle .

Il faut donc bien comprendre en quoi consiste l'œuvre collective : c'est le tout, en tant qu'œuvre unique et finie, par exemple, le journal du jour. Mais dès l'instant que les diverses contributions sont "sorties" du contexte de l'œuvre collective, et par exemple reproduites une à une dans une base de presse, chaque auteur retrouve des droits pleins et entiers sur ses œuvres.

L’œuvre de collaboration

Deux cas sont envisageables :
  • Plusieurs auteurs ont travaillé ensemble à l’élaboration de l’œuvre de telle sorte qu’il est impossible de dire avec précision quelle partie de l’œuvre est imputable à l’un ou à l’autre.
  • Même si les apports respectifs des auteurs peuvent être individualisés, les auteurs ont agi en se concertant et dans un but commun.

Dans de pareils cas, chacun des participants, pourvu qu’il ait fourni un apport original, est investi du monopole d’exploitation sur l’œuvre de collaboration. En conséquence de quoi, il faut que tous les auteurs soient d’accord pour exploiter. Les auteurs sont en indivision, les droits d’auteurs sont divisés en parts égales entre eux.

Quand les apports sont individualisés, chacun a des droits propres pris sur sa partie isolément : dans cette hypothèse il est possible aux auteurs d’exploiter leur création de manière séparée, à condition que ceci ne porte pas atteinte à la carrière de l’œuvre de collaboration prise dans son ensemble.

Pour info : une œuvre audiovisuelle est une œuvre de collaboration. Cela signifie que son exploitation n’est possible que suite à un accord unanime de l’ensemble des co-auteurs.



Quelle différence entre l’œuvre de collaboration et l’œuvre collective?
Tandis que les droits d’une œuvre de collaboration appartiennent aux personnes physiques qui ont contribué à sa création, les droits d’une œuvre collective appartiennent à la personne sous le nom de laquelle cette œuvre a été divulguée.


Les droits sur l’œuvre de collaboration

Les droits sur l’œuvre de collaboration sont attribués à la communauté des auteurs, il en résulte des conséquences sur ces modalités d’exploitation, qu’il s’agisse des droit patrimoniaux ou du droit moral.

Œuvre de collaboration et droit moral

Le droit moral est aussi aménagé, même en l’absence de cession, l’exercice du droit de retrait et de repentir est soumis à l’indemnisation des autres auteurs. Mais la collaboration ne doit pas servir de prétexte pour limite le droit de divulgation des coauteurs en cas de conflit dans l’élaboration de la création. Cependant en cas de différent, les tribunaux exercent leur pouvoir souverain d’appréciation. En pratique, les juges sont tentés de faire prévaloir l’intérêt général. Les coauteurs pourront alors modifier la contribution du récalcitrant sous réserve du respect de l’intégrité de l’œuvre. La collaboration entraînera alors une atténuation, une inflexion mais non l’abolition du droit moral.

Le droit à la paternité subit le même sort. Il est attaché à l’œuvre d’ensemble et non à la contribution personnelle de chaque coauteur. En conséquence, l’exploitation détient une marge de manœuvre plus importante quant à la mise en œuvre de cette prérogative offerte par le droit moral. Par exemple, il est en droit de regrouper la mention des noms sous forme de générique.

En conséquence, seul le droit au respect et le droit à la paternité de l’auteur de l’apport individuel ne pourra être méconnu.


Œuvre de collaboration et droit patrimonial

La loi prévoit le partage des droits entre les auteurs. Ils sont coauteurs et leur propriété est indivise. Mais dans le cas où les apports des collaborateurs sont dissociables, l’exploitant peut écarter les contraintes de l’indivision lorsque qu’il exploite seul son apport. Nous voyons donc qu’il y a d’un côté l’exploitation de l’ensemble et d’un autre côté la possibilité d’une exploitation individuelle.

L’exploitation de l’ensemble

Chacun des participants, pourvu qu’il ait fourni un apport original, est investi du monopole d’exploitation sur l’oeuvre de collaboration.

Les décisions concernant l’exploitation de la création sont soumises aux règles de l’indivision. L’œuvre de collaboration est un bien indivis. L’unanimité des consentements est requise pour tous les actes d’exploitation.

En cas de différent entre les coauteurs, le législateur a prévu l’intervention des magistrats. La disposition vise à éviter les situations de blocage ou l’exercice abusif des droits par certains coauteurs fortement préjudiciable aux auteurs. Si l’œuvre est conforme à ce qui était recherché, le tribunal pourra vaincre la résistance du collaborateur récalcitrant. Il y a ici une atteinte à la toute puissance du droit de divulgation. Mais cette décision judiciaire doit être antérieure aux actes d’exploitation. Une demande ultérieure sera jugée irrecevable et les actes commis sans l’accord de l’auteur récalcitrant et sans décision judiciaire supplétive antérieure, doivent être considérés comme des actes de contrefaçon.

Néanmoins, pour limiter les risques de litige, les coauteurs sont invités par contrat à désigner un gérant. En principe, la rémunération est partagée égalitairement entre les indivisaires, mais le contrat peut prévoit des différences, peut instituer une hiérarchie entre coauteurs.

L’exploitation individuelle des contributions

Le loi énonce que les coauteurs recouvrent une liberté d’exploitation sur leur apport dans la mesure où ce dernier appartient à un genre différent des autres et lorsque la pratique n’est pas préjudiciable à la communauté des auteurs.

L’appréciation de la différence du genre est compliquée.
  • En premier lieu elle requiert que les apports soient dissociables. Dans le cas d’une œuvre fusionnelle, l’octroi d’une telle faculté n’est pas admissible.
  • En second lieu, le contenu de la notion de genre est flou. En pratique, l’exploitation est possible dès lors que la contribution a une existence indépendante et séparée des autres. Le comportement du coauteur n’est alors pas mutilant pour la création commune.

Par exemple : en suivant ce raisonnement, les juges ont interdit l’exploitation séparée de planches de bandes dessinées, considérant que le dessin est tellement lié au scénario qu’il ne peut faire l’objet d’une exploitation individuelle.


Les droits sur l’œuvre collective

Œuvre collective face au droit moral

Le contributeur est dépossédé des droits patrimoniaux, il est aussi dépossédé de son droit moral sur l’œuvre collective d’ensemble. La confusion des apports, même relative, empêche l’application de ce dernier. L’exploitant est donc libre de mentionner ou non le droit des contributeurs. Ceux-ci ne peuvent s’opposer aux modifications justifiées par la cohésion de l’ensemble. Le droit moral sur les apports respectifs est limité par la nécessaire harmonisation de l’œuvre. Le titulaire des droits est en droit d’apporter aux contributions des différents auteurs des modifications.

En revanche, chaque auteur d’un apport est investi sur cet apport dans le cas d’une exploitation individuelle du droit moral classiquement admis par le Code de la propriété intellectuelle.

Œuvre collective et droits patrimoniaux

Le code de la propriété intellectuelle attribue la propriété de l’œuvre collective à la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.
L’œuvre est réalisée grâce à la participation de plusieurs personnes mais elle n’appartient qu’à une seule. Le divulgateur est propriétaire de l’œuvre sans être réellement auteur.

L’exploitation de l’ensemble des contributions

L’œuvre collective offre au contributeur une situation pas très enviable. En effet, le titulaire de tous les droits d’auteur est la personne physique ou morale qui divulgue l’œuvre sous son nom. Les auteurs des différents apports, les contributeurs, n’ont aucun droit sur la création d’ensemble.

L’exploitation individuelle

En revanche, en l’absence de disposition contraire, les différents protagonistes, les différents contributeurs seront autorisés à exploiter individuellement leur contribution.

Mais l’exploitation séparée est aussi limitée par la condition d’absence de dommages pour l’ensemble. En effet, le contributeur peut causer préjudice à la personne morale détentrice des droits. L’exploitation individuelle est licite dans la mesure où elle n’est pas concurrente à l’exploitation de l’œuvre collective.

Attention : la personne bénéficiant de la titularité des droits sur l’œuvre collective, ne peut, sans autorisation exprimée dans les conditions du droit commun, exploiter séparément les contributions des auteurs.