Mais pourquoi piloter un projet collectif ?

La question ne se pose pas quand on est dans un contexte professionnelle avec des engagements en terme de résultats et de délais. Mais quand on est dans un contexte plutôt bénévole avec des délais moins clairs et des objectifs plus fluctuants... La question se pose.

L'animateur, un pilote de l'attention

Quelque soit le contexte dans lequel s’inscrit un projet, un pilotage est nécessaire et adapté.

nécessaire

Car sans "règles de gestion", tous les projets sont en difficultés.
Rien de plus frustrant pour les participants à un projet collectif de voir celui-ci piétiner, voir avorter.
Le temps investi étant "coûteux" pour les bénévoles (bien plus que pour les "contraints"), la frustration d'un projet sans pilote où l'on s'épuise faute de règles est grande.
Les collectifs qui "produisent" (pour eux ou pour le monde) sont les collectifs qui perdurent (ou qui créent le plus de satisfaction de leurs membres).

Et pour produire, il faut se mettre d'accord, s'organiser, planifier... ce qui est d'autant plus facile quand on dispose d'un outil-méthode de pilotage.

adapté

On ne pilote pas un projet professionnel composé de 10 collègues comme on pilote un projet de 30 personnes bénévoles et encore moins un projet avec plus de 100 participants.

Bien que des recherches doivent encore être menées pour faire émerger de nouvelles méthodes de gestion plus adaptées aux collectifs d'aujourd'hui (avec beaucoup de participants "distants" et des objectifs parfois flous ou "sans délai"), il existe suffisamment de méthodes pour choisir la plus adaptée à son contexte.

Il faut donc accepter de sortir des méthodes traditionnelles (ou pire des "non méthodes"

Connaissez-vous les "planneurs"

Animé par un idéal d’amélioration des résultats de l’entreprise, le management contemporain ne cesse de générer de nouvelles pathologies chez les salariés, avec un nouveau profil d'acteurs : les planneurs.
Les « planneurs » sont mandatés pour améliorer la performance des entreprises et des services publics au moyen de plans abstraits, élaborés bien loin de ceux et de ce qu’ils encadrent. Spécialisés en méthodes, ressources humaines, contrôle de gestion, stratégie, systèmes d’information, marketing, finances, conduite du changement, ils diffusent et adaptent des dispositifs standardisés qui ordonnent aux autres travailleurs ce qu’ils doivent faire, comment et pourquoi.
Management par objectifs, benchmarking, évaluation, lean management, systèmes informatiques, etc. cadrent ainsi l’activité quotidienne des travailleurs. Ces dispositifs instaurent un management désincarné que les salariés opérationnels jugent maladroit, voire « inhumain ». D’après leur expérience, il nuit autant à leur santé qu’à la qualité des produits et à la performance économique.
Aller plus loin sur le management désincarné ? :

Attention donc : le pilotage (management) est utile MAIS PAS si c'est pour autre chose que faire avancer le projet ET ses porteurs
Nos projets ne sont pas des machines à broyer de l'humain (d'autant plus que la plupart seront là en tant que bénévoles).
Utiliser les nouvelles méthodes de gestion de projet sans cette vigilance n'est sans doute pas une trés bonne idée et sera plus que contre productif.

  • Compter tout, mesurer tout (le temps, la présence, les connexions...)
  • Fixer des objectifs irréalistes
  • Mettre les gens en posture de concurrence
  • Donner des titres (plutôt que des rôles)
  • Ne pas faire confiance
  • Mettre en avant les comportements négatifs pour "faire réagir"
  • ...


La courbe du deuil (ou du changement) à l'usage des "dégraisseurs"

  • L’état de choc : c’est le moment précis auquel survient la perte. Ce moment se caractérise une forme d’atonie émotionnelle qui précède la prise de conscience de sa réalité.
  • Le déni : c’est le refus de reconnaître et d’affronter la réalité de la perte.
  • La colère : c’est la phase qui suit le déni. Elle se caractérise par une réponse émotionnelle forte qui doit être exprimée ! Elle peut s’accompagner également d’un fort sentiment de culpabilité.
  • La dépression : C’est le moment (plus ou moins long) ou l’on se rend compte que malgré nos tentatives de marchandage la réalité s’impose à nous.
  • L’acceptation : C’est le dernier mouvement du processus. Il est précédé de quelques essais qui permettent pas à pas d’amorcer le renouveau sans craindre la rechute. La réalité est comprise, éprouvée ET acceptée et permet d’évoluer vers autre chose.
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Cette courbe, d'abord formalisée pour aider les personnes en deuil, a été récupérée par le monde du management pour "faciliter" le dégraissage des équipes.
Chaque phase pouvant être "mise à profit" pour faire craquer la personne et la faire "sortir" de l'entreprise (par elle-même) au plus vite.

Quelques articles sur son usage chez France Telecom (avec les suicides qui vont avec ;-(

Mais c'est que le monde a changé nom de dieu...

Il y a comme qui dirait
  • un parfum de complexité qui monte...
  • doublé d'une bonne dose d'incertitude...
  • arrosé d'un fameux soupçon de numérique...
  • rendant tout très interdépendant de tout...
  • qui plus est, de plus en plus horizontal...

Ce faisant, peut-être devrions-nous oser "regarder" les nouvelles méthodes d'animation qui émergent de ce nouveau monde (sans pour autant "taire" notre regard critique)

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Mais c'est qu'on aimerait être "parfait"...

Tragédie des 3C

Quand un système dépasse un certain seuil de complexité, il ne peut être à la fois complet et cohérent. Cela s’applique à n’importe quelle sorte de système complexe, y compris les collectifs humains…

Il n’est pas possible d’avoir à la fois de la complexité, de la cohérence et de la complétude. Les systèmes que nous mettons en place manqueront au moins un de ces trois objectifs. Si nous n’en sommes pas conscients, nous ne pourrons pas choisir celui auquel nous sommes prêt à renoncer. Nous pourrons même faillir sur deux d’entre eux ou sur la totalité.

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Mais c'est que la nature nous a montré le chemin


Pour qu'un système soit résilient, durable, productif, la nature a testé et semble avoir trouvé le bon dosage. Autant s'en inspirer ;-) (ça a bien été étudié par Ulanowicz)

La recette idéale dans un projet collectif est :
  • 2/3 de pilotage pour
  • 1/3 de "laisser faire"


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Mais c'est que le choix des méthodes influence le public

Les mêmes méthodes (de gestion, d'animation de...) amènent les mêmes publics.
Si dans de nombreux comités citoyens, on ne voit que les mêmes personnes depuis des années, c'est "peut-être" parce qu'ils sont les seuls à s'accommoder de ce type de réunion...

  • Si on pilote "à l'ancienne" il est probable qu'on attire que...
  • Si on pilote "qu'au numérique", il est probable qu'on attire que...
  • Si on pilote "comme en entreprise", il est possible qu'o attire que...
  • Si on pilote "sans méthode", il est possible qu'on attire que...

Passer de l'intention à l'attention

  • Gérer un projet "en intention" : le coordonnateur prévoit dès le début les objectifs, le déroulement du projet, le calendrier, le budget... < c'est la méthodologie de projet traditionnelle >
  • Gérer un projet "en attention" : l'animateur crée des situations coopératives (faire se rencontrer les personnes, faire en sorte qu'elles se présentent, qu'elles puissent échanger...), être ensuite à l'affût et réactif (proposer des supports pour que ce qui a émergé de la situation coopérative puisse déboucher sur des projets, des actions, du travail coopératif...). < méthodologie de projet coopératif >
L'animateur doit donc s'astreindre à se taire, à mettre ses idées de côté et plutôt privilégier une attitude d'écoute et d'observation.

Faire le pari de la confiance

Le manque de confiance est problématique : des responsabilités ne sont pas confiées aux participants (ce qui les empêche de grandir, de s’épanouir dans leur travail) et des mécanismes de contrôle ou de surveillance sont mis en place. Les participants les perçoivent, à juste titre, comme un signe de méfiance. Tout cela a pour conséquence de déresponsabiliser. Et quand on traite les gens comme des enfants, ils finissent par se comporter comme tels, ce qui vient confirmer la pensée que, décidément, on ne peut pas leur faire confiance. Bref, le cercle vicieux parfait ou plutôt, une prophétie auto-réalisatrice.

La confiance se raréfie aussi dans la société

Une étude de 2007 réalisée pour un forum de l'ONU révèle un phénomène de grande ampleur : depuis une quarantaine d'années, pratiquement tous les pays qualifiés de développés ou industrialisés connaissent une baisse de la confiance des citoyens à l'égard de l'Etat. Aux USA, le dernier sondage réalisé par Gallup montre une baisse supérieure à 10 % de la population faisant confiance aux institutions par rapport aux années 1970 (époque des premiers sondages sur ce thème) pour 12 des 17 institutions testées (notamment la présidence, les banques, l'école, la presse et les églises). Quant aux cinq autres, la confiance envers elles n'a augmenté fortement que pour une seule - l'armée - et seulement légèrement pour les quatre autres.
Cette perte de confiance crée un cercle vicieux : moins il y a de "confiance" plus les règles et règlements se développent. Ce qui provoque chez les gens un sentiment de contrôle et suspicion généralisé, une distanciation par rapport à la confiance et à la responsabilité qui est accordée à chacun. Le système s'emballe est fini par devenir "incohérent" (certaines règles venant en contredire d'autres).
Allez plus loin : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-vagues/la-confiance-15-les-indices-sont-en-berne

Comment retenter le pari de la confiance ?

  • Quel est le prix que je paie en n’agissant pas avec confiance (trop de travail car je ne délègue pas, déresponsabilisation des équipes, pertes de temps et de productivité, etc.) ?
  • Si j’avais confiance, qu’est-ce que je ferais de différent et que je me refuse à faire aujourd’hui ? Quels seraient les avantages si j’allais dans cette direction ? (moins de contrôles, plus de délégation, montée en compétence des équipes, motivation et reconnaissance, etc.)
  • Qu’est-ce que je peux faire, tout de suite, comme action de confiance, même si à l’intérieur de moi je n’ai pas confiance ? Quel serait le prix à payer si cela se passe comme je le crains ? Est-ce que je suis prêt(e) à payer ce prix ?
  • Une fois que le pari de la confiance a été fait, qu’est-ce que la réalité me dit ? (là où ma tête me disait de me méfier et que ça allait mal se passer)
  • Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, est-ce que j’arrête ou est-ce que je continue à faire le pari de la confiance : pari que les autres peuvent progresser si on leur laisse suffisamment de temps, si on leur confie des responsabilités adaptées à leurs capacités et si on leur montre qu’on a confiance dans le fait qu’ils puissent y arriver.

Jouer l'exemplarité

L'exemplarité : outil de confiance

On parle beaucoup d’exemplarité comme un atout maître du bon animateur, gage de crédibilité, de confiance, de leadership et de légitimité.
Ainsi, s’il souhaite cultiver le droit à l’erreur, un animateur doit commencer par admettre ses propres erreurs, en tirer des apprentissages et accepter ses faiblesses.
S’il souhaite instaurer un meilleur équilibre vie pro-vie perso, il doit lui-même cesser les envois de mails à 23h ou en plein dimanche. Imposer des règles que l’on ne suit pas soi-même mène à contrario directement à la défiance, au ressentiment, au désengagement.

Mais pourquoi s’arrêter à l'animateur ?

L’exemplarité est une vertu que nous pourrions certainement tous nous appliquer à nous-même, quel que soit notre niveau d'implication dans le collectif.
Nous avons tous certaines attentes vis-à-vis de l'animateur et nos collègues, nous nous plaignons tous, plus ou moins fréquemment, qu’ils ne soient pas assez si, ou trop cela et avons tendance à justifier nos propres manquements par ceux des autres (« si j’arrive toujours en retard c’est parce que je sais que tout le monde fait pareil »).

Pourtant, si chacun se montrait exemplaire, les environnements de "travail" s’en porteraient certainement bien mieux, gagnant en tolérance, en confiance et en authenticité.

Qu’est-ce qu’on entend par être exemplaire ?

C’est avant tout s’appliquer à soi-même les exigences qu’on a envers les autres.
Se comporter soi, comme on aimerait que les autres se comportent et se montrer à la hauteur des attentes que l’on a envers eux.

A ne pas confondre avec la perfection.

Etre exemplaire, ce n’est pas être irréprochable, sans faux pas ni défaillances. L’intention compte plus encore que le comportement en lui-même : tendre vers ce qu’on a envie de voir chez les autres. Et lorsqu’on n’y parvient pas, le reconnaître avec humilité. C’est aussi comme cela qu’on apprend l’indulgence envers les autres.

Il s’agit d’incarner ses principes et ses valeurs… mais pas de se positionner en donneur de leçon ou de les imposer. Il ne s’agit pas de dire «puisque je me comporte de telle façon, tu as le devoir toi aussi de te comporter comme tel », mais de rester droit dans ses bottes, sans attendre que les autres fassent pour faire, sans rien exiger en retour. Espérer, simplement, influencer et donner ainsi envie à son entourage de faire de même. Semer ce que l’on aimerait récolter.

L’exemplarité, finalement, rappelle la nécessité que chacun s’implique et y mette du sien pour nourrir des relations saines et positives et cultiver une bonne ambiance dans nos collectifs.

Quelques conseils pour cultiver l’exemplarité :

  • Clarifier les attentes qu’on a envers les autres et les traduire en attentes envers soi-même. Pour cela, définir ses valeurs peut être un bon point de départ ;
  • Réfléchir à ce que cela signifie au quotidien, comment cela se traduit dans la posture, les comportements à avoir ?
  • Prendre mentalement note des difficultés que l’on rencontre à rester cohérent, et s’en souvenir la prochaine fois qu’on pestera sur un.e personne qui aura un comportement que l’on juge défaillant.

Reconvoquer devient la norme...

Le rituel de la reconvocation

C'est quasiment une "obligation", une habitude qui doit vous habiter !
Dès qu'un outil, une méthode est mise en place au sein du collectif, la procédure qui permettra sa reconvocation doit aussi être mise en place.
  • Fixez-vous un délai (à fixer - de quelques semaines à quelques mois) pour tester la méthode, l'outil.
  • Mettez en place un délesteur (un espace de co-écriture, un carnet partagé) qui vous permettra de noter au fur et à mesure les idées pour améliorer l'outil, la méthode.
  • Fixez-vous un rappel pour rediscuter de cette méthode, cet outil avec le collectif le moment venu.
    • rempli-t-elle ses objectifs ?
    • est-elle encore nécessaire ?
    • faut-il la réviser, l'adapter, l'abandonner, l'étoffer ?
    • faut-il en changer ?

L'enjeux est ici de séparer l'analyse, remise en cause d'un outil / d'une méthode de son usage sur la durée mais aussi et surtout de savoir quand et comment on pourra faire évoluer nos outils et méthodes.

Ne pas se coincer

La loi et l'esprit de la loi

Dans toute méthode ou outil, il y a "le manuel d'utilisation" : la loi.
Cette loi permet de savoir comment l'utiliser, comment en tirer le meilleur parti, comment l'appliquer à la lettre...
C'est pratique. Ça permet souvent de découvrir toutes les ficelles, les astuces.
Ça fait aussi peur (souvent) des fois...
Ça peut aussi provoquer le sentiment de ne pas pouvoir faire "tout comme l'indique le manuel", peut vous faire abandonner la méthode, l'outil avant même de l'avoir testé.

Le manuel, c'est LA LOI < > Vous, c'est l'ESPRIT DE LA LOI qui doit vous habiter.
Prenez dans la méthode ou l'outil ce qui vous convient, ce qui fonctionnerait pour votre contexte, votre énergie, votre envie.
Combinez, adaptez, rendez le tout vivant et évolutif. Gardez l'esprit mais adaptez la loi

Se rappeler le sens de tout ça

Dans un collectif, ne serait-ce pas d'ABORD "prendre du plaisir à être et faire ensemble" ?

Outils numériques de gestion

Ils sont nombreux et parfois très liés à un contexte de travail.
En voici une liste non exhaustive.

Sous forme de tableau (type kanban)

  • Trello (BEST CHOICE ;-) mais payant et pas libre
  • Framaboard (super aussi mais va fermer ;-(
  • Meistertask payant mais costaud
  • wekan est un outil libre mais à installer sur son serveur

Sous forme de liste de tâches

Sous forme de liste de notes intelligentes


Des outils pour compter le temps passé à...(plutôt pour vous)


Pour une liste un peu plus (trop) complète : https://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel_de_gestion_de_projets