Attention aux risques du départ

Le dictateur bienveillant

C'est une posture "normale" et rassurante ;-)
Dans tout processus, y compris collectif, il faudra une personne qui acceptera d'endosser le rôle du dictateur bienveillant.

Cela signifie :
  • accepter d'être critiqué pour cette première démarche forcément pas 100 % collective (un lieu, une date...)
  • accepter d'assumer ce "rôle" et une certain leadership au moins pour un temps
  • accepter de se dévoiler en terme de motivation, d'envie, de rêve, d'utopie...

Mais c'est un job à risque (comme la possession d'un anneau ;-) :
  • sans y prendre garde, on peut facilement rester dans cette posture (parfois "pousser au début" par le collectif) car elle procure un certain "pouvoir ou aura"
  • sans y prendre garde, on peut facilement passer du dictateur bienveillant au créateur fossoyeur qui enterre avec lui la belle idée de départ

Quelques pistes

  • mettre en place un mécanisme de contrôle (si possible extérieur et à une date précise) pour obtenir un regard critique sur sa posture et savoir si l'on est bien sorti de ce rôle.
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L'activisme effréné...


L'organisme qu'est le groupe entretient deux dynamiques :
  • l'une interne entre les membres,
  • et l'autre externe avec le reste du monde.
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Tourné vers le monde

Lorsque le groupe porte un projet qui s'adresse en priorité au "reste du monde", toute l'énergie va alors être tournée vers "le faire".
La culture dominante de ces groupes est l'agir, le résultat visible est concret.
Pourtant aux dires de nombreux militants, beaucoup de ces groupes sont des caricatures des dysfonctionnements de la société qu'ils combattent : autocratisme, simulacre de démocratie, manque d'écoute et de respect.
Or, servir une belle cause n'exempt pas de se regarder fonctionner. Au contraire, si l'on veut pouvoir affronter la redoutable question de la cohérence entre le projet et le vécu des participants, il faut savoir là encore lever le brouillard de l'activisme sans conscience.

Tourné vers ses membres

A l'inverse, les groupes qui place l'être au centre du projet ont parfois plus de mal avec l'action : discussions interminables, sentiment de ne pouvoir agir sans l'aval de tous, évitement des conflits…
Donner une place à la vie intérieure en perdant de vue le sens du projet peut aussi conduire à d'épais brouillards émotionnels

Le militantisme de sacrifice, générateurs de profondes frustrations et porteur de déceptions à la hauteur des idéaux poursuivis ne correspond plus à ce dont nous avons besoin aujourd'hui ;-)

Situation

Bien souvent, les collectifs reposent sur l'énergie et l'engagement d'un tout petit noyau de personnes (dictateur bienveillant). C'est d'autant plus le cas au début du projet.
Souvent ce noyau (cette personne) se plaint de tout faire tout seul...

on doit tout faire

On se retrouve alors avec un petit groupe en plainte de suractivité


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on a pas de place

un grand groupe avec un sentiment diffus que quelque chose ne va pas (mais sans chercher non plus à sortir de ce flottement) :
  • on ne se sent pas écouté
  • on n'a pas de place pour agir
  • on ne sait pas encore très bien comment agir, pas encore trouvé de chemin d'expression
Dans certains cas, comme l'espace d'expression n'existe pas en dehors du petit groupe qui fait tout, des membres quittent le projet.

Parfois (aussi), cette façon de fonctionner convient à tout le monde.
  • Il convient au petit noyau de membres qui dit ne pas vouloir tout faire, mais qui ne met rien en place pour organiser un vrai partage de la vision, des objectifs et des actions. Il peut s'agir ici d'un processus subtil de captation du pouvoir du petit noyau d'activistes avec l'accord tacite du reste du groupe.
  • La situation convient également à l'autre partie du groupe, qui par indétermination ou pour toute autre raison ne parvient pas à exprimer ce qu'elle est venue faire sur ce projet et sur quoi elle peut réellement s'engager.

Lorsqu'une partie du groupe tente de traiter cette question, très souvent à l'initiative du noyau actif, on assiste fréquemment à une mise sous pression, ou bien une tentative de culpabilisation envers les membres qui agissent le moins.

Quelques pistes

Sortir de ce cercle vicieux où les attitudes non dites des uns et des autres entretiennent le problème est en soit un véritable chemin de transformation collective et personnelle.
En effet il est parfois difficile de nommer un besoin de reconnaissance qui s'exprime par un activisme débordant, ou encore un espace d'indétermination personnelle qui lui, s'exprime par de la passivité.
Ce type de situation amène à traiter les questions suivantes si difficiles à aborder dans les groupes :
- quel est mon enjeu personnel dans ce groupe ?
  • que suis je venu chercher ici ?
Si le groupe ne s'est pas doté d'outils pour aborder ces question (cercle de rêve, méthode de partage de la parole, cadre de confiance), le risque de dérapage du projet est important.

Parfois, l'expression permet tout simplement au petit groupe actif de quitter le registre de la plainte, de reconnaître que la situation convient à tout le monde et d'en tirer les conséquences sur la dynamique du projet. Le simple fait de reconnaître cet état de fait peut se révéler libérateur et permettre aux uns et aux autres de sortir des frustrations liées à la situation.

La démonstration collective du besoin

E = Q X A => l'efficacité d'une idée est égale à sa qualité (Q) multipliée par l'adhésion (A) qu'elle remporte
Une idée ne devient utile que quand elle est partagée et récupérée par autrui...
La démonstration collective du besoin c'est le passage d'une idée à la validation de son utilité dans un contexte
C'est le fait de répondre collectivement à la question suivante : Mais à quoi sert ce projet ?
  • d'aller en profondeur quand à cette question => les 5 pourquoi
  • de balayer les différentes dimensions du projet
    • A quoi sert-il pour moi ?
    • A quoi sert-il pour notre collectif / structure ?
    • A quoi sert-il pour notre territoire ?
    • A quoi sert-il pour "l'humanité" ?

Comment on fait ?

Si l'idée vient d'une personne (dictateur bienveillant)

L'idée n'est pas co-construite car elle part d'une intuition personnelle.
On peut alors chercher à activer les liens faibles, les liens forts... pour valider cette intuition, la nourrir, l'amender, la faire évoluer.
On peut aussi imaginer soumettre cette idée à un collectif d'intéressés avec un cadre posé qui dit clairement le négociable, du non négociable avec par exemple une validation au consentement ou par cercle du rêve...
Du coup, les personnes qui restent sont celles qui s'y retrouvent

Si l'idée émerge d'un collectif élargi (moins courant)

A priori le projet est co-construit avec le terrain (sinon la plupart des gens s'en vont ;-)
c'est presque facile... mais ça demande quand même un animateur de collectif et ne dédouane pas des risques du départ.

Un point de vigilance

Faire la démonstration collective du besoin ne revient pas à dénaturer complètement l'idée de départ qui avait certainement "un fondement".
On peut s'autoriser à ne pas la changer et accepter alors qu'elle arrive "trop tôt" ou "pas dans le bon contexte" ou qu'elle peut se faire seul pour l'instant ou ...

De l'euphorie du départ au soufflé qui retombe


Qui n'a pas connu ces moments d'euphorie lorsque, autour d'une table entre amis, on décide de lancer un projet pour refaire le monde.
Rapidement, si la motivation se maintient, le projet va naître puis attirer des personnes et un groupe va se constituer plein d'enthousiasme.

Passer les étapes de la rencontre et des premières actions, le groupe euphorique au départ passe immanquablement, tôt ou tard, graduellement ou brutalement, une traversée du désert où l'idéal qui a servi de moteur initial semble passer au second plan.
À ce stade, seuls les problèmes prennent tout l'espace mental et émotionnel, l'énergie du groupe tombe et l'espoir de réaliser le projet s'amenuise.
Le groupe est dans une phase de forte instabilité et ce cycle, qui alterne espoir et soufflé qui retombe, peut se reproduire plusieurs fois.
Le groupe perd alors confiance et vit comme insupportable le décalage entre la promesse du départ et la réalité vécue.

La bonne nouvelle et qu'il s'agit d'une des étapes quasi indispensables de montée en maturité et en compétence d'un groupe sur un projet.
On peut même aller jusqu'à dire qu'un projet qui n'est pas passé par ce type de dépression a peu de chances de se déployer. En effet il s'agit du moment de la confrontation de l'idée au réel :
  • soit les compétences nécessaires à la survie se forgent
  • soit le projet disparaît ou se redéfinit.
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Quelques pistes

Un des premiers apprentissages pour le groupe qui vit ce passage consiste donc
  • à savoir reconnaître ce moment particulier,
  • à accepter cette étape
  • et à apprendre à caractériser la situation (questions simples mais souvent difficiles à poser)
    • dans quels états sommes-nous ?
    • quels sont les. indicateurs qui nous permettent de dire qu'il y a un souci ?
    • quels sont nos différents ressentis sur la situation ?
  • ensuite, en général la situation s'adoucit et peut repartir

Pourtant ce travail semble beaucoup plus simple à dire qu'à faire
  • le travail d'introspection est souvent perçu comme inutile, du temps "perdu" (surtout pour les personnes qui sont orientées "action")
  • simplement nommer le ressenti, ce qui se passe sans apporter de réponse ou de jugement est compliqué pour beaucoup d'entre-nous
En tant qu'animateur de collectif, être un peu formé, sensibilisé à la communication non violente, à la reformulation peut aider.
  • souvent les processus d'introspection, quand ils sont mal animés font plus de mal que de bien
  • souvent le fait de parler ce qui ne va pas met mal à l'aise certaines personnes (pour qui ça inhibe l'action)
    • on peut renverser la phrase : une réussite est la preuve que les scenarios d'échecs potentiels rendus visibles n'ont pas pu prospérer.

Le mur de l'argent


C'est sur celui-ci que beaucoup de rêves collectifs se fracassent au démarrage.
La difficulté à trouver de l'argent masque souvent deux grands problèmes :
  • celui de nos conceptions sur l'argent
  • et celui de l'immaturité de notre projet
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Notre rapport à l'argent

Beaucoup ont un rapport conflictuel et de culpabilité face à l'argent. Si on considère que l'argent est le problème de nos sociétés, il devient difficile d'en obtenir... Bien souvent, dans ces groupes de transformation sociale, le débat sur les sources de financement est tabou.
L'argent est le deuxième grand sujet avec celui du pouvoir, où chacun est confronté à ses zones d'ombre, conscientes ou inconscientes, et ses difficultés à trouver une ligne de conduite optimal entre l'efficacité et le respect des valeurs que l'on prône

L'immaturité du projet

Une autre difficulté qui apparaît dans le miroir du besoin de financement et celui de l'immaturité du projet. Dès qu'il s'agit de passer à l'action, cela devient plus problématique et le manque de ressources peut servir de voile qui cache l'irréalisme du projet
C'est un passage salutaire qui permet d'entrer dans une phase d'incarnation et d'aborder des discussions très concrètes autour de l'organisation, de la rémunération des efforts de chacun, de la valeur pour les autres de ce qui est produit ou réalisé ensemble.

Quelques pistes

  • Dans tous les cas, éclaircir, partager et débattre de nos croyances à ce sujet est nécessaire pour grandir sur ce sujet délicat. Il est important pour grandir en humanité de sortir des registres du bien et du mal lorsque nous parlons d'argent
  • Ces discussions permettent aussi un véritable aller-retour entre le possible et l'imaginé.
  • Eviter que ce sujet ne soit "effacé" et confié, avec l'assentiment implicite du collectif, à "l'expert financier"