Les biais cognitifs

Les biais cognitifs sont des formes de pensée qui dévient de la pensée logique ou rationnelle et qui ont tendance à être systématiquement utilisées dans diverses situations. Ils constituent des façons rapides et intuitives de porter des jugements ou de prendre des décisions qui sont moins laborieuses qu'un raisonnement analytique qui tiendrait compte de toutes les informations pertinentes.
Ces jugements rapides sont souvent utiles mais sont aussi à la base de jugements erronés typiques.
En revanche, on est littéralement aveuglé par ses propres biais cognitifs. C’est un peu comme si nous portions des lunettes en permanence, qui teinteraient le monde en rose. Au bout d’un certain temps, nous ne nous rendrions plus compte, et de toute bonne foi. Nous croirions que le monde est réellement rose !

Le concept a été introduit au début des années 1970 par les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel en économie en 2002) et Amos Tversky pour expliquer certaines tendances vers des décisions irrationnelles dans le domaine économique.

Attention : La différence entre les biais cognitifs et les mensonges c’est que le biais cognitif est inconscient, systématique et qu’on ne peut s’y soustraire, sauf à faire un travail sur soi-même important pour conscientiser nos réflexes premiers (c'est possible ! ).

Ça sert à quoi ?

Fondamentalement, les biais cognitifs nous aident à faire face à 4 situations ordinaires :
  • Faire face à trop d’information : Afin d’éviter de se noyer dans un trop-plein d’information, notre cerveau doit écrémer et filtrer un nombre incroyable d’informations. Un certain nombre de biais cognitifs vont servir cet objectif.
  • Combler le manque de sens : Pour nous aider à construire du sens à partir des morceaux d’information qui nous parviennent, nous devons remplir les trous et assembler le tout pour créer notre propre vision du monde.
  • Intégrer la nécessité d’une réaction rapide : Dans le but d’agir vite, notre cerveau doit prendre des décisions en une fraction de seconde afin d’augmenter nos chances de survie, de sécurité ou de succès.
  • Faciliter le processus de mémorisation : Pour que tout cela soit efficace, notre cerveau doit se rappeler des parties les plus importantes et utiles des informations qu’il traite.

Biais cognitifs et animateur de collectif

Tous ces biais cognitifs servent de points d’appuis involontaires aux individus et aux groupes. Si vous êtes animateur d’un projet, il vous faudra faire face à ces phénomènes, pour pouvoir les contourner et les contrer.
Il est donc important de savoir les connaître, pour les repérer :
  • chez les autres (pour ne pas être dupe et suivre des raisonnement fallacieux)
  • mais surtout chez soi, dans ses propres raisonnements. Et c’est là que l’opération devient délicate, car on ne peut juger de l’intégrité de notre raisonnement qu’avec notre propre mental, lui aussi soumis aux biais cognitifs ;-)

Les biais cognitifs à surveiller en cas de coup dur

Quand survient un coup dur et qu'on est animateur du projet, on peut facilement donner trop d'importance à ces biais. Ils sont donc à connaître et à surveiller ;-)
La pensée « tout ou rien » ou « noir ou blanc »
  • Penser de façon dichotomique (polarisée) sans nuance : tout ou rien, noir ou blanc, jamais ou toujours, bon ou mauvais…. Il n'y a pas de place pour le gris. Par ex., se voir comme un raté suite à une mauvaise animation. Cette distorsion est souvent présente dans le perfectionnisme.
La surgénéralisation
  • Tirer une conclusion générale sur la base d'un seul (ou de quelques) incident(s). Par ex., si un événement négatif (tel qu'un échec) se produit, s'attendre à ce qu'il se reproduise constamment.
L'abstraction sélective (ou filtre)
  • Tendance à s'attarder sur des détails négatifs dans une situation, ce qui amène à percevoir négativement l'ensemble de cette situation.
La dramatisation et la minimisation
  • Amplifier l'importance de ses erreurs et ses lacunes. Considérer un événement désagréable mais banal comme étant intolérable ou une catastrophe. Ou, au contraire, minimiser ses points forts et ses réussites ou considérer un événement heureux comme banal.
La personnalisation
  • Penser à tort être responsable d'événements fâcheux hors de son contrôle ; penser à tort que ce que les autres font est lié à soi.
Le raisonnement émotionnel
  • Prendre pour acquis que des états émotifs correspondent à la réalité. Par ex., considérer la peur comme une attestation du danger ; se dire « je suis stupide » plutôt que « je me sens stupide ».
Les croyances sur ce qui devrait être fait (fausses obligations)
  • Avoir des attentes sur ce que l'on devrait, ou que les autres devraient faire sans examen du réalisme de ces attentes étant données les capacités et les ressources disponibles dans la situation. Ce qui génère de la culpabilité et des sentiments de frustration, de colère et de ressentiment.
L'étiquetage
  • Utiliser une étiquette, c'est-à-dire un qualificatif qui implique un jugement négatif, de façon qui représente une généralisation à outrance, plutôt que de décrire le comportement spécifique. Par ex., « Je suis un perdant » plutôt que de qualifier l'erreur.
Le blâme
  • Tenir à tort les autres pour responsables de ses émotions ou au contraire se blâmer pour celles des autres.

Un jeu de cartes pour jouer

Ces cartes ont été conçues à des fins d’apprentissage par Stéphanie Walter et Laurence Vagner. Elles permettent aux personnes de prendre conscience de leurs biais et des différents biais qu’elles peuvent induire, qu’elles le veuillent ou non, aux autres. Elles servent d’aide-mémoire et de rappel. On peut les utiliser pour sensibiliser les membres d'un collectif.
Elles ont été créés pour le design UX, certaines cartes sont donc orientées "usagers"
Voir aussi sous forme de site web => https://uxinlux.github.io/cognitive-biases/52-liste-fr/

Une ressource sympa : https://cortecs.org/language-argumentation/moisissures-argumentatives/
et une autre en mode vidéo : https://www.youtube.com/c/TroncheEnBiais-Zetetique/videos

Les 25 biais cognitifs classiques

Le biais de confirmation
Le biais de confirmation est la tendance, très commune, à ne rechercher et ne prendre en considération que les informations qui confirment les croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent.
Le biais de croyance
Le biais de croyance se produit quand le jugement sur la logique d'un argument est biaisé par la croyance en la vérité ou la fausseté de la conclusion. Ainsi, des erreurs de logique seront ignorées si la conclusion correspond aux croyances.
Maintenir certaines croyances peut représenter une motivation très forte : lorsque des croyances sont menacées, le recours à des arguments non vérifiables augmente ; la désinformation, par exemple, mise sur la puissance des croyances : Pourquoi la désinformation fonctionne ?)
Le biais d'autocomplaisance
Le biais d'autocomplaisance est la tendance à s'attribuer le mérite de ses réussites et à attribuer ses échecs à des facteurs extérieurs défavorables.
L'erreur fondamentale d'attribution
L'erreur fondamentale d'attribution est la tendance à surestimer les facteurs personnels (tels que la personnalité) pour expliquer le comportement d'autres personnes et à sous-estimer les facteurs conjoncturels.
L'effet de halo
L'effet de halo se produit quand la perception d'une personne ou d'un groupe est influencée par l'opinion que l'on a préalablement pour l'une de ses caractéristiques. Par exemple, une personne de belle apparence physique sera perçue comme intelligente et digne de confiance. L'effet de notoriété est aussi un effet de halo.
Le biais rétrospectif
Le biais rétrospectif est la tendance à surestimer, une fois un événement survenu, comment on le jugeait prévisible ou probable.
L'excès de confiance
L'excès de confiance est la tendance à surestimer ses capacités. Ce biais a été mis en évidence par des expériences en psychologie qui ont montré que, dans divers domaines, beaucoup plus que la moitié des participants estiment avoir de meilleures capacités que la moyenne. Ainsi, plus que la moitié des gens estiment avoir une intelligence supérieure à la moyenne.
Le biais de négativité
Le biais de négativité est la tendance à donner plus de poids aux expériences négatives qu'aux expériences positives et à s'en souvenir davantage.
L'effet Barnum
Le biais de l'effet Barnum (ou effet Forer) consiste à accepter une vague description de la personnalité comme s'appliquant spécifiquement à soi-même. Les horoscopes jouent sur ce phénomène.
L'aversion de la dépossession
L’aversion de la dépossession (ou effet de dotation) désigne une tendance à attribuer une plus grande valeur à un objet que l'on possède qu’à un même objet que l'on ne possède pas. Ainsi, le propriétaire d'une maison pourrait estimer la valeur de celle-ci comme étant plus élevée que ce qu'il serait disposé à payer pour une maison équivalente.
L'illusion de corrélation
L'illusion de corrélation consiste à percevoir une relation entre deux événements non reliés ou encore à exagérer une relation qui est faible en réalité. Par exemple, l'association d'une caractéristique particulière chez une personne au fait qu'elle appartienne à un groupe particulier alors que la caractéristique n'a rien à voir avec le fait qu'elle appartienne à ce groupe.
Le biais de cadrage
Le biais de cadrage est la tendance à être influencé par la manière dont un problème est présenté. Par ex. la décision d'aller de l'avant ou pas avec une chirurgie peut être affectée par le fait que cette chirurgie soit décrite en termes de taux de succès ou en terme de taux d'échec, même si les deux chiffres fournissent la même information.
Le biais d'ancrage
Le biais d'ancrage est la tendance à utiliser indument une information comme référence. Il s'agit généralement du premier élément d'information acquis sur le sujet. Ce biais peut intervenir, par exemple, dans les négociations, les soldes des magasins ou les menus de restaurants. (Dans les négociations, faire la première offre est avantageux.)
Le biais de représentativité
Le biais de représentativité est un raccourci mental qui consiste à porter un jugement à partir de quelques éléments qui ne sont pas nécessairement représentatifs.
Le biais de la disponibilité en mémoire
Le biais de la disponibilité en mémoire consiste à porter un jugement sur une probabilité selon la facilité avec laquelle des exemples viennent à l'esprit. Ce biais peut, par exemple, amener à prendre pour fréquent un événement récent.
Le biais de statu quo
Le biais de statu quo est la tendance à préférer laisser les choses telles qu'elles sont, un changement apparaissant comme apportant plus de risques et d'inconvénients que d'avantages possibles. Dans divers domaines, ce biais explique des choix qui ne sont pas les plus rationnels. (Un biais se rapprochant du biais de statu quo est celui de la tendance à la justification du système qui se distingue par une plus forte composante motivationnelle.)
Le biais d'omission
Le biais d'omission consiste à considérer que causer éventuellement un tort par une action est pire que causer un tort par l’inaction. Ainsi, le biais d'omission pourrait contribuer à expliquer que, dans l'incertitude, certains choisiront de refuser la vaccination pour leurs enfants.
Le biais de faux consensus
Le biais de faux consensus est la tendance à croire que les autres sont d'accord avec nous plus qu'ils ne le sont réellement. Ce biais peut être particulièrement présent dans des groupes fermés dans lesquels les membres rencontrent rarement des gens qui divergent d'opinions et qui ont des préférences et des valeurs différentes. Ainsi, des groupes politiques ou religieux peuvent avoir l'impression d'avoir un plus grand soutien qu'ils ne l'ont en réalité.
La croyance en un monde juste
La croyance en un monde juste est la tendance à croire que le monde est juste et que les gens méritent ce qui leur arrive. Des études ont montré que cette croyance répond souvent à un important besoin de sécurité. Différents processus cognitifs entrent en œuvre pour préserver la croyance que la société est juste et équitable malgré les faits qui montrent le contraire.
L'illusion de savoir
L'illusion de savoir consiste à se fier à des croyances erronées pour appréhender une réalité et à ne pas chercher à recueillir d'autres informations. La situation est jugée à tort comme étant similaire à d'autres situations connues et la personne réagit de la façon habituelle. Ainsi, une personne pourra sous-exploiter les possibilités d'un nouvel appareil. (Des campagnes électorales qui misent sur l'illusion de compréhension chez les électeurs).
L'effet Dunning-­Kruger
L'effet Dunning-Kruger est le résultat de biais cognitifs qui amènent les personnes les moins compétentes à surestimer leurs compétences et les plus compétentes à les sous-estimer. Ce biais a été démontré dans plusieurs domaines.
Le biais de conformisme
Le biais de conformisme est la tendance à penser et agir comme les autres le font.
L'effet boomerang
L'effet boomerang est le phénomène selon lequel les tentatives de persuasion ont l'effet inverse de celui attendu. Les croyances initiales sont renforcées face à des preuves pourtant contradictoires. Différentes hypothèses sont avancées pour expliquer ce phénomène.
L'illusion de contrôle
L'illusion de contrôle est la tendance à croire que nous avons plus de contrôle sur une situation que nous n'en avons réellement. Un exemple extrême est celui du recours aux objets porte-chance.
L'effet de simple exposition
L’effet de simple exposition est une augmentation de la probabilité d'un sentiment positif envers quelqu'un ou quelque chose par la simple exposition répétée à cette personne ou cet objet. Ce biais cognitif peut intervenir notamment dans la réponse à la publicité.

Encore plus de biais

image carte_des_biais_cognitif.png (0.5MB)

matthieu