La compostabilité : pour quoi faire ?

Instructions : écouter (et-ou lire) et voir comment ça résonne


Bon d'accord, cherchons à être le plus compostable possible pour que perdurent après nous les productions, les (bonnes) idées...
Mais en dehors de permettre leur survie et leur réutilisation par d'autres...

Ca sert à quoi de travailler sur la compostabilité ?

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La compostabilité comme pré-requis à la création de valeur ajoutée

Le premier des intérêts de la compostabilité, c'est de favoriser la création de richesses humaines. On peut expliquer ce principe en dissociant trois niveaux de richesse d'un groupe humain :
  • Les richesses de niveau 1 : c'est la juxtaposition des richesses individuelles apportées par chacun des membres ;
  • Les richesses de niveau 2 : Ce sont les productions dérivées et coproduites par le groupe à partir des richesse individuelles de ses membres ;
  • Les richesses de niveau 3 : Ce sont les productions dérivées et coproduites par le groupe ET les groupes avec qui il échange en mutualisant leurs richesses de niveau 2 respectives.

Ici les richesses ne sont ni marchandes ni monétaires, ce sont les connaissances, les modes d'organisation, les habitudes collectives, les compétences transverses développées, les contenus de formation, les ressources pédagogiques,etc. On considère qu'elles ne peuvent être valorisées économiquement qu'à partir du second niveau.

Simple empilement d'apports individuels, les richesses de niveau 1 n'ont pas grand intérêt en tant que telles, mais c'est cette « mise en commun » des richesses de chacun qui permet au groupe humain d'en produire des dérivés à forte valeur ajoutée. On ne parvient ainsi à des richesses de niveau supérieur qu'en partageant sincèrement ses richesses individuelles ou les richesses de son groupe.

La recherche est un bon exemple de ce principe : pour parvenir à produire des connaissances utiles, la communauté scientifique publie ses découvertes, les partage. . . et chacun s'appuie sur les travaux des autres pour avancer plus vite et plus loin. Toutefois, le monde de la recherche n'est juridiquement pas compostable : la plupart des publications scientifiques (même financées sur des fonds publics) est protégée en accès ce qui limite la capacité des chercheurs à en disposer. En revanche, dans l'usage, on constate que le piratage occupe aujourd'hui une place incontournable qui pourrait même finir par rendre obsolète le régime des droits d'usage de la recherche, notamment avec la mise à disposition gratuite de la quasi totalité des publications sur des plate-formes illégales comme Sci- Hub.

En partant du constat que, contrairement à la règle établie, le piratage fait du partage sincère un usage extrêmement répandu, l'argument selon lequel la privatisation des richesses d'un groupe stimulerait la création de richesses nouvelles ne tient plus. Chaque barrière au partage de nos richesses individuelles et collectives remet en cause nos capacités à créer. Imaginer des solutions inédites aux grands défis de l'humanité nécessite la rencontre fertile entre les mondes et son pré-requis est le partage de nos richesses humaines, sans conditions.


La compostabilité permet donc la création de richesses inédites grâce au réagencement de richesses existantes ; cela est rendu possible par leur partage sincère.
Pour aller plus loin :
>> Les réseaux qui durent sont sous licence CC BY SA»

>> Repenser la recherche scientifique au-delà de la propriété» de Lionel Maurel

La compostabilité comme architecture du buen vivir

Autour de projets ou de structures, se créent des architectures qui peuvent tout autant libérer qu'enfermer les humains qui y agissent. Une architecture compostable permettra à chacune de ses composantes d'y entrer, d'en sortir, d'y contribuer et d'en tirer profit à travers des « accords de travail » clairs.

La possibilité d'un ou plusieurs départs est ici pleinement intégrée à l'architecture de la structure ou du projet : personne n'est indispensable puisque chacun porte en lui des parties de la richesse du groupe qu'il peut à tout moment recomposer ailleurs avec d'autres. Les richesses ainsi disponibles, l'action et le déplacement des individus au sein des groupes peut aussi se faire de façon plus naturelle. C'est une vision écosystémique et biomimétique du fonctionnement des organisations qui implique de considérer le projet ou la structure comme un système vivant dont la mort constitue une étape incontournable.

Pour mieux comprendre, il suffit d'observer le comportement des virus. Chez les virus, chaque individu est dépositaire d'une partie seulement du patrimoine génétique de sa communauté. C'est seulement lorsque plusieurs individus se trouvent réunis qu'un patrimoine génétique de niveau combiné peut exister. Ainsi, le résultat de l'assemblage des patrimoines génétiques de chacun sera différent pour chaque groupe d'individus. Chacun est alors utile au groupe, mais personne ne lui est indispensable. Si les sortants emportent une partie du patrimoine collectif pour le recomposer ailleurs, le groupe peut lui aussi continuer à profiter du patrimoine de l'individu sortant !

La compostabilité favorise donc une architecture profitable tant à la structure qu'à l'individu, en limitant les impacts négatifs de la mort de l'un ou l'autre.

La compostabilité comme principal vecteur d'un changement d'échelle

Puisqu'elle permet la réappropriation instantanée des « recettes » qui fonctionnent, la compostabilité est un fort vecteur tant de réplication que d'adaptation des solutions aux problématiques des territoires. Ainsi, chacun peut puiser dans l'expérience des autres les « briques » qui lui permettront de bâtir une solution adaptée à son environnement immédiat.

Cette manière de penser la diffusion des solutions à grande échelle prend le contre-pied des logiques largement majoritaires d'expansion des solutions par les seules structures qui en sont à l'origine (prôné par l'ESS notamment). Il n'est pourtant pas faux de considérer que les individus à l'initiative d'un modèle seront les mieux à même de le répliquer à l'identique. Il est en revanche contre-productif de croire qu'une solution viable dans un contexte de temps et de lieu donné produira les mêmes résultats ailleurs.

La compostabilité nous invite à percevoir l'expérimentation comme devant être inhérente à toute action ; il n'y a alors plus ceux qui innovent et ceux qui diffusent, mais une logique plus fertile et plus résiliente du « tous acteurs des solutions ». Ainsi, les solutions sont toutes partagées et immédiatement appropriables par d'autres. Les éléments de solution pertinents peuvent être immédiatement repris et associés afin d'inventer des réponses hybrides, inédites et recontextualisées. On considère alors que ce sont les parties-prenantes d'un contexte qui sont les plus à même à y agir.

La compostabilité constitue donc un formidable moteur d'innovation sociale, à même d'assurer un changement d'échelle résolvant des défis qui se posent à l'humanité.

Crédits généraux / Licence
Contenu placé sous licence CC by SA, modifié par Gatien Bataille
Contenus agrégés par Romain Lalande sur la base d?un récit-concept de Laurent Marseault, agrémenté d'échanges fertiles au sein du réseau francophone des Communs, de VECAM et de Remix the Commons.