Décider dans le collectif

“La différence entre la théorie et la pratique ?
En théorie c’est la même chose, mais en pratique, c’est très différent !”

Un enjeu bien réel

Tout collectif vit au rythme des décisions qu'il prend (ou pas). La façon dont se prennent les décisions est souvent un sujet sensible.
Elle est intimement liée aux dimensions de pouvoir et de gouvernance. Plusieurs facteurs peuvent avoir une influence : la taille du groupe et sa composition, le type de décision à prendre, le temps dont on dispose, l’état des relations et la confiance entre les membres, les rapports de force en présence, etc.
Des écueils sont potentiellement au rendez-vous : l'absence de démocratie, une démagogie pseudo-participative, l'absence de décision pour "préserver le groupe" (entre-soi stérile).
Savoir décider est donc un enjeu bien réel pour le collectif !

image choisir.png (0.3MB)

Les modes de décision

On distingue trois grands types de prise de décision

Le mode directif

image directif.jpg (18.0kB)
Avantages
  • rapide
  • efficace
  • responsabilisation du "décideur"
Inconvénients
  • possibles angles morts dans la décision
  • résistance au changement
  • non responsabilisation de tous

Le mode participatif

image directif.jpg (18.0kB)
Avantages
  • implication de tous
  • enrichissement des perspectives
  • plus large éventail de propositions
Inconvénients
  • risque de "facipulation" et donc de résistance à terme
  • déception des participants après le choix posé par le décideur

Le mode collaboratif

image directif.jpg (18.0kB)
Avantages
  • niveau élevé d'engagement
  • renforce l'adhésion du groupe
  • tient compte des apports de tous
Inconvénients
  • chronophage
  • peut créer une fatigue (processus engageant)
  • risque de préservation du groupe qui empêche de prendre des décisions

Voir une ressource externe sur les différents types de participation citoyenne

Décider ensemble

Un horizon

Dans le collectif, le rêve pourrait être de parvenir à passer du "On ne fait que ce qui est décidé" à "Tout ce qui n'est pas interdit est autorisé"
et donc indirectement de devoir décider le moins souvent possible ;-)


Dans un collectif, on se situe toujours entre 3 pôles : décider seul - décider ensemble - ne pas décider.
Quand on ne joue que sur un des pôles, ça cale très souvent.
Par exemple :
  • quand une seule personne décide de tout, très rapidement quand le projet grandit, elle n'est plus en capacité de décider tant les décisions sont nombreuses
    • le projet souffre et des décisions se prennent alors ailleurs, seuls et de manière chaotique OU ne se prennent plus du tout
    • => le résultat final est le plus souvent la mort du projet
  • il en est de même quand toutes les décisions sont prises ensemble. C'est chronophage, décourageant, bloquant !
    • le projet souffre et des décisions se prennent alors ailleurs, seuls et de manière chaotique OU ne se prennent plus du tout (pour préserver la cohésion du groupe)
    • => le résultat final est le plus souvent la mort du projet
Un objectif : décider ensemble de qui a la légitimité pour décider seul de quoi. Le comment et le quand se font en délégation de confiance. Le projet peut alors vivre sans brider les inititiatives individuelles tout en gardant une cohérence.
Une fois que les points qui méritent décision collective sont identifiés vient le temps du choix de la méthode !

L'art du panachage !

Chaque mode décisionnel comporte ses avantages et ses inconvénients.
  • le 100 % directif n'est plus du tout perçu comme raisonnable
  • le 100 % collaboratif entraîne souvent des concertations interminables et un nivellement par le bas
Le collectif perçoit rapidement (et souvent) la nécessité de panacher les modes de décision en tenant compte de la spécificité des situations.
Le collectif gagne en maturité et s'achemine petit à petit vers un leadership décisionnel partagé en fonction des situations (nombre de personnes, urgence, expertise requise, enjeu...)
A l'animateur (et au groupe) d'impulser l'exemple et de choisir le mode de décision le plus opportun.

Des méthodes à disposition

Le vote à la majorité

Le bon vieux vote à la majorité simple, des deux-tiers... Un peu "radical" mais à ne pas balayer trop vite.
Bien sûr, à chaque fois que possible, il faut utiliser d'autres méthodes de prises de décision moins clivantes néanmoins exclure "par principe" le vote semble contre-productif.

Le jugement majoritaire : le vote amélioré !

Le Jugement Majoritaire est une nouvelle théorie du choix social applicable à toute prise de décision collective, établie par les chercheurs du CNRS Michel Balinski et Rida Laraki à partir de 2006. En demandant aux votants leur opinion sur chaque option soumise, on bénéficie de beaucoup plus d’informations que dans le cadre du scrutin uninominal qui, résumant l’opinion des votants à un choix, ignore l’essentiel de l’information quant à ce qu’ils pensent. En agrégeant un grand nombre d’informations, le Jugement Majoritaire ne produit pas « juste » un gagnant qui obtiendrait la majorité des voix. Il mesure précisément le crédit porté à chacune des options et permet d’affiner autant que de pacifier la prise de décision.
=> il se prête donc bien au cas où l'on a plusieurs choix à "trancher"
=> https://mieuxvoter.fr/le-jugement-majoritaire




Le consentement : "personne n'est contre"

La gestion par consentement laisse la possibilité de prendre part ou non à la discussion sans entraver la décision. À partir d’une proposition, chacun peut, à tour de rôle, valider ou faire une objection qui donne lieu à des amendements à la décision, jusqu’à son adoption par le groupe, s’il n’y a plus d’objection. Cette procédure permet de considérer une décision comme le fruit d’une élaboration collective. En levant une à une les objections, chacun est conduit à prendre sa responsabilité (d’objecter et de proposer des amélioration), et non plus à accepter, sous l’effet de la masse, une décision qui ne lui convient pas.
  • + : sans doute la méthode la plus collégiale où chacun est une partie de la décision.
  • - : pas simple à mettre en place dans un groupe "classique" car elle demande engagement et temps
=> voir la fiche de l'udn : https://drive.jardiniersdunous.org/s/MBrNadNkxnc8kgZ

La décision rapide par "presque consentement"

On formule une situation claire et on demande à ce que chacun.e se positionne
image deciderrapidementinfographie.png (0.1MB)

Ensuite :
  • que des "pour" ou "soutien" => c'est validé
  • majorité de "contre/soutien" => proposition retirée
  • majorité de "pour/soutien" mais avec quelques oppositions
    • on demande à chaque opposant "que faut-il modifier pour que tu adhères ?"
    • il formule une proposition claire
    • le groupe revote sur cette nouvelle proposition

Points de vigilance
  • Rappeler à tous.tes l'intention : co-construire collectivement et rapidement la décision la plus efficace et adaptée aux conditions.
  • Le problème survient lorsqu’au lieu de chercher à améliorer l’idée/proposer des alternatives, un opposant s’enterre dans une argumentation sans fin visant à démontrer que la proposition est « mauvaise ».
    • solution : Rester solide sur la demande de propositions d’amélioration: Qu’est-ce qu’il faudrait concrètement modifier pour que vous soyez plus à l’aise ?

La concordance : presque du consensus mais plus "pratique

Cette méthode vise à se rapprocher le plus possible du consensus sans aller jusqu'au bout car le consensus est de l'ordre de l'impossible : avoir tous les membres de l’organisation 100% "pour" une décision est difficile parce que nous avons souvent une tendance à être perfectionnistes...

En bref, après avoir travaillé sur la proposition, chaque membre du groupe se positionne sur "Quel est le niveau de perfection en pourcentage qui lui permettrait de te sentir complètement "pour" cette proposition?"
Et dans un deuxième temps, après bonification : "Est-ce que ce seuil est atteint ?"
Voir la fiche : décision par concordance

Le consensus : "tout le monde est pour" mais c'est tellement rare...

La décision au consensus est un processus pour décider sans avoir recours au vote. L'objectif est que le groupe soit totalement en accord. C'est un processus difficile à mener et qui demande une grande maturité du collectif et une facilitation de qualité.


Mais aussi la délégation de confiance

Dans un collectif, il faut pouvoir identifier les périmètres de décision de chacun afin de ne pas brider les inititatives individuelles.
Toutes les décisions à enjeux, irréversibles sont à mener collectivement. Le reste est à analyser et à déléguer si possible.
Ce schéma nous donne quelques pistes pour agir en ce sens. => tout télécharger ici https://drive.google.com/drive/folders/1VatrlvfiVJKH8Jcm5PeY1OhQ_JTLFIqB
image aidedecision.jpg (0.2MB)

Autres pistes

L'élection sans candidat :

Des outils numériques pour faciliter


Les désaccords

Concernant les désaccords, un conseil semble s'imposer : passer le temps nécessaire à creuser les différences de point de vue (sur quoi porte le désaccord ?) avant de passer aux solutions ou aux décisions.
Une fois le cadre du désaccord posé et si le dialogue autour de celui-ci ne parvient toujours pas à permettre de prendre une décision suffisamment partagée, le groupe est devant les choix suivants :
  • décider en votant à la majorité
  • ne pas décider et attendre que la situation et les points de vue évoluent
  • confier à une partie du groupe la responsabilité de mettre en oeuvre la décision en prévoyant une évaluation basée pour partie sur les objections de ceux qui sont en désaccords
  • creuser encore ce qui se cache derrière les désaccords

Fondamentalement, la bonne méthode sera celle qui remplit les trois conditions :
  • convenir au groupe
  • permettre l'expression réelle des désaccords
  • permettre d'avancer
Voir le fiche : quelle décision dans quel contexte
image quelledecisioncontexte.png (0.3MB)

Des points de vigilance

Avant d'aller plus loin dans les méthodes ou les outils disponibles, ces quelques points de vigilance sont à tenir à l'oeil.
  • accepter que tout ne doit pas se décider à l'unanimité
    • quand tout est décidé par une personne => on est pas dans un collectif
    • quand tout est décidé par tout le monde => souvent le collectif n'avance pas (on ne décide pas pour préserver le groupe), ou le collectif se vide (par abandon faute de temps et de palabres sans fin)
  • clarifier si c'est le bon moment pour décider
    • quand c'est "tendu", il est souvent bon de postposer la prise de décision ou de la "travailler" avant de se lancer
    • quand tout va bien, que le ciel est bleu... c'est peut-être le moment de déposer une décision plus compliquée mais dans un contexte favorable
  • clarifier de sur quoi on veut décider : Même lorsque l’on a l’impression que le problème est simple, chacun le comprend à sa façon. Il faut toujours se mettre d'accord sur cette définition du problème.
  • clarifier les critères d'analyse du problème : L’analyse des problèmes doit s’appuyer sur des critères clairs. Sinon comment analyser un problème si l’on ne sait pas sous quel angle de vue ?
  • accepter les désaccords : seul espoir d'innovation et permettre leurs expressions
  • décider qu'on va décider ;-) : S'offrir un cadre rassure chacun (on tente sincèrement le consentement et si on y parvient pas au bout de xx minutes on décidera au vote ou on reporte ou ...) Quand chacun sait que le temps est compté et que le débat se conclura, les échanges sont beaucoup plus intenses et structurés.
  • valider les décisions implicites : Souvent, des décisions (petites ou grandes) sont prises sans qu'on ait véritablement annoncé que c'était une prise de décision ou que l'on ait "validé" cette prise de décision. S'en assurer permet d'éviter les "freins" ou remises en question ultérieures.
  • déléguer la prise de décision à un outil numérique est un échec ,-) => s'aider d'un outil numérique est autre chose...
  • garder des traces des décisions prises pour ne pas refaire et refaire encore, via un registre des décisions visible (dans le wiki par exemple)
  • quelque que soit la méthode utilisée pour décider, il faut chercher à placer chacun dans une posture de "JE Agissant" (et pas JE demandant). Le collectif n'est pas là pour faire à la place de... mais permettre à chacun de trouver un espace bienveillant pour mener son action dans le cadre du projet

IMPORTANT Repenser, rediscuter, prendre le temps de se regarder, analyser et critiquer les processus de décision pour les améliorer EST la clé de la montée en maturité du collectif => Progresser sur la prise de décision dans nos collectifs, c'est faire progresser la société sur cet enjeu de taille... non ?

matthieu